jeudi 19 avril 2012
Pourquoi le Niger a été épargné par une rébellion
À lire sur Slate Afrique
par Valentin Hodonou
le 19/04/2012
Le contraste est à la fois saisissant et cruel pour le Mali comparé au Niger. Non seulement les Touareg du Niger, contrairement à leurs «frères» du Mali, n'ont pas pris les armes contre les autorités de leur pays, mais dans un communiqué rendu public le 6 avril, leurs responsables, parmi lesquels d'anciens rebelles ont rejeté «totalement et de façon énergique» cette déclaration d'indépendance.
«Nous disons non à cette dérive et nous lançons un appel à nos frères du Mali à garder la sérénité, se ressaisir et trouver une solution dans le cadre d'un Etat unitaire du Mali», ont-ils même pris le soin de préciser.
Le Mali et le Niger comptent une importante population touareg dans leur partie septentrionale. Région qu'ils partagent avec les Peuls, comme eux, éleveurs et nomades. Mais aussi avec les Sonraï.
Au Niger, les Touareg sont majoritairement établis dans l'Aïr (un des cinq grands massifs montagneux du Sahara) situé dans l'immense désert du Ténéré. C'est dans l'Aïr qu'est exploité l'uranium, la principale pourvoyeuse de devises de cet immense pays de 1.267.000 km2. Les Touareg nigériens n'ont pas toujours été aussi accommodants avec leur gouvernement.
Comme ceux du Mali, ils se sont soulevés à plusieurs reprises. Parfois pour réclamer l'autonomie voire l'indépendance de leur région. La dernière fois qu'ils l'ont fait, c'était en février 2007. Regroupés au sein du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), ils avaient pris les armes pour selon eux, obtenir un meilleur partage des parts des bénéfices de l'uranium et des emplois pour les populations locales qu'ils estimaient marginalisées.
«Les Touareg du Niger rejettent cette déclaration d'indépendance»
Autre point commun avec les Touareg du Mali, nombreux parmi eux s'étaient enrôlés comme supplétifs dans l'armée libyenne. Comme eux, ils sont rentrés au Niger après la mort de l'ancien guide libyen et la chute de son régime.
Pourtant, leur retour au pays n'a pas eu les mêmes conséquences désastreuses qu'au pays de Salif Keita. Et ce n'est pas le fruit du hasard.
Le Niger touche en fait les dividendes d'une politique mise en place depuis plus d'une décennie et dont les deux mamelles sont: fermeté et intégration. Autrement dit, la carotte et le bâton.
Le désormais ancien chef de l'Etat malien Amadou Toumani Touré a commis l'erreur de laisser les anciens mercenaires Touareg d'origine malienne au service de Kadhafi, rentrer au pays avec armes et bagages. Pas le Niger qui a obligé les siens à déposer leurs engins de mort avant de remettre le pied sur le sol de leur pays.
L'exercice n'a pas été de tout de repos. Il a parfois nécessité l'emploi de la manière forte pour faire plier les récalcitrants. Des affrontements ont même opposé certains d'entre eux à l'armée nigérienne. Provoquant la mort de cinq à six de soldats. Mais celle-ci a tenu bon.
Selon le journaliste nigérien Seidik Abba, même si Mamadou Tandja en voulant coûte que coûte s'accrocher au pouvoir, est sorti par la petite porte en février 2010, c'est à lui que le Niger doit cette approche du problème touareg qui s'avère aujourd'hui payante.
«Priés de déposer leurs engins de mort»
«Lors de la rébellion touareg de janvier 2007, Mamadou Tandja, a considéré les insurgés comme des bandits de grand chemin et des trafiquants de drogue, et refusé d'ouvrir le dialogue avec eux, comme le souhaitait le MNJ».
«Et», confie-t-il à SlateAfrique, «pour les combattre, il a doté l'armée nigérienne de gros moyens: hélicoptères de combats, moyens aériens de transport de troupes et de surveillance du territoire».
Et le correspondant de la PANA à Paris, d'ajouter : «dans le même temps, Tandja a initié une vraie politique de décentralisation, histoire de confier à des cadres locaux, la gestion de leurs diverses collectivités.
Une politique qui a eu, entre autres pour conséquence, l'élection de notables touareg comme maires, conseillers municipaux et régionaux dans leurs localités. De sorte qu'ils ont été directement impliqués dans la gestion des affaires de leur communes, départements et régions».
Le Niger a adopté une loi de décentralisation en 1996. Mais ce n'est effectivement qu'à partir de l'élection de Mamadou Tandja en 2000 que le processus a réellement été mis en application. En 2002, 213 communes rurales et 52 communes urbaines ont été créées à partir de 131 cantons existants, les communes rurales regroupant de nombreux villages.
«Fermeté et intégration»
Succédant le 12 mars 2011 à Mamadou Tandja à la suite d'une élection transparente et démocratique, Mahamadou Issoufou, s'est gardé d'infléchir cette ligne tracée par son prédécesseur. Mieux, il l'a confortée. Nommant le 7 avril 2011 Brigi Faffini au poste de Premier ministre. Ce Touareg de 59 ans originaire d'Agadez, avait été auparavant, sous-préfet, ministre, vice-président de l'Assemblée nationale et maire d'Iférouane dans la région d'Agadez.
Le général Ahmed Mohamed, lui aussi Touareg est actuellement le numéro deux de l'armée nigérienne. Mohamed Alambo le fondateur du MNJ, est devenu conseiller du chef de l'Etat. Rhissa Ag Boula, autre ancienne figure emblématique des rébellions des hommes bleus, celui de l'ex Premier ministre et actuel président de l'Assemblée nationale Hama Amadou.
Secteurs vitaux de l'économie du pays
Des Touareg ont été aussi nommés à la tête de grandes sociétés nationales. C'est en particulier le cas de Mohamed Akotey. Ce neveu de Mano Dayak, un ancien chef rebelle célèbre est le nouveau le président du Conseil d'administration d'Imouraren, la plus grande société minière du pays.
Ils sont également très actifs dans certains secteurs vitaux de l'économie du pays. Notamment dans les transports. Selon Seidik Abba, Aïr Transport, l'une des compagnies de transport les plus florissantes leur appartient.
Certes, dans une région sahélo-sahélienne aussi sensible, encore plus tourmentée depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, le Niger n'est pas à l'abri d'infiltrations d'éléments incontrôlables susceptibles de troubler sa quiétude. Reste qu'on voit mal, ce pays connaître les mêmes affres que le Mali, son infortuné voisin.
Valentin Hodonou
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