lundi 23 avril 2012
Déstabilisation du Mali : La main de la France
A défaut d’une preuve officielle, des indices graves et concordants pèsent sur la complicité de la France de Nicolas Sarkozy dans la crise sans précédent que traverse le Mali
Nicolas Sarkozy, président de la république française
La France a, c’est le moins qu’on puisse dire, une grande part de responsabilité dans la crise sans précédent que traverse le Mali, une crise qui met à rude épreuve l’unité nationale et l’intégrité territoriale de notre pays.
Il ne fait aucun doute que cette crise est un effet collatéral de la crise libyenne, notamment les bombardements massifs de la coalition de l’OTAN dont la France de Nicolas Sarkozy avait pris la tête. Théoriquement pour empêcher Kadhafi d’aller exterminer les insurgés de Benghazi et sauver ainsi des milliers de vies humaines. Une thèse destinée aux non initiés, car derrière ce visage humain affiché, le président français nourrissait des desseins moins angéliques.
En effet, il s’agissait pour le locataire de l’Elysée de solder de nombreux comptes, anciens et plus récents, avec l’ex-maître de Tripoli qui, il est vrai, a eu ses périodes de folie, tout en faisant main basse sur le pétrole libyen. En somme, faire d’une pierre plusieurs coups. Des documents confidentiels ont été publiés en son temps par la presse française aux termes desquels les nouvelles autorités libyennes s’engageaient à faire bénéficier à la France d’au moins 30% du pétrole libyen.
Pour parvenir à ses fins, Sarkozy mettra toutes ses forces dans la bataille en instrumentalisant surtout le Conseil de Sécurité de l’ONU et, tel un beau diable, en se faisant le porte-étendard de la coalition de pays de l’OTAN disposant d’une impressionnante armada. Les bombardiers et les missiles de l’OTAN, dans une surréaliste guerre entre le pot de fer et le pot de terre, submergèrent les forces pro-Kadhafi sous un véritable tapis de bombes ouvrant ainsi un immense boulevard pour les insurgés de Benghazi dans leur marche triomphale sur Tripoli et d’autres villes libyennes. Les pro-Kadhafi ne pouvaient que mordre la poussière dans cette configuration, l’essentiel de la guerre étant fait par les forces de l’OTAN. Dans leur débandade, les Touareg, qui constituaient une force supplétive dans l’armée libyenne, ont, cependant, eu le temps de se servir dans les arsenaux de l’ex-leader libyen et se sont, dans la foulée, dotés d’armes lourdes, y compris les lance-roquettes multiples. Ce qui a donné un caractère exceptionnel à leur menace sur le Mali.
Ne serait-ce qu’à cause de cette situation, la France est loin d’être étrangère à la crise que le Mali est en train de vivre, d’autant que les jeunes leaders du MNLA avaient été reçus par Paris et ont certainement eu un deal secret avec les autorités françaises qui, au demeurant, n’ont jamais fait mystère de cet état de fait. Dans le meilleur des cas, la France a fermé l’oeil sur leurs agissements et, dans le pire, leur a fait bénéficier de son soutien actif. Pour justifier cet appui à l’égard des rebelles du MNLA que nous avons toujours désignés sous l’appellation de bandits armés, car actuellement aucune situation ne justifie leurs actions nocives si ce n’est une supériorité supposée en armements, la France met en avant la lutte contre AQMI et la libération de ses otages détenus quelque part dans la bande sahélo-saharienne.
En réalité, comme les faits le démontreront plus tard, non seulement les bandits armés du MNLA n’ont pas lutté contre les islamistes d’’AQMI, mais, pire, ils ont oeuvré en partenariat avec ceux qu’ils étaient censés combattre. Ensemble, ils ont commis des crimes de guerre en exécutant froidement et de façon horrible une centaine de jeunes soldats désarmés. Maintenant les bandits armés et les djihadistes se renvoient la responsabilité de ces actes odieux qui violent toutes les conventions régissant les guerres. La France a fermé l’oeil sur ces actes odieux si ce n’est une molle condamnation de principe nullement suivie d’effet. C’est pour toutes ces raisons qu’on peut parler, à bon droit, de l’existence d’indices graves et concordants sur la complicité de la France dans cette crise malienne.
L’invasion du territoire malien par les bandits armés du MNLA et les groupes armés islamistes a été précédée et s’accompagne, malheureusement encore, d’une vaste et intense campagne médiatique. Les médias aux ordres de l’Elysée (RFI et France 24) avaient même embouché leur trompette pour annoncer, urbi et orbi, la fin prochaine de la République du Mali. A RFI, les Marie-Pierre Olphan et autre Christine Muratet sont montées en première ligne pour célébrer, au fur et à mesure, « l’avancée triomphale » des bandits armés. Allant même jusqu’à prédire au passage avec force détails leurs victoires prochaines comme si les plans d’opération du MNLA étaient élaborés dans les bureaux de RFI. En vérité, si l’on était dans un monde plus juste, ces égéries du MNLA allaient être jugées pour complicité de crime de guerre.
Même « Jeune Afrique » n’est as resté en marge de cette campagne de presse de mauvais aloi. En effet, dans une de ses livraisons, l’hebdomadaire panafricain titrait : « Pourquoi le Mali perd le Nord ». Dans son avant-dernière édition, le même « Jeune à fric », comme l’écrirait le Canard Enchaîné, lance curieusement un pathétique SOS pour le Mali.
Hassan Diop, le nègre de service
Une preuve supplémentaire de cette cabale médiatique a été fournie à l’occasion de la dernière édition de « Débat africain » de RFI. En effet, sous le prétexte fallacieux d’une analyse froide sur la crise malienne les journalistes-debaters s’en sont donné à coeur joie à une opération de dénigrement du Mali. On sentait même qu’Hassan Diop avait toutes les peines du monde à réprimer un fou rire devant ce qu’il considère comme le malheur du Mali. Dire que naguère ce journaliste, d’origine sénégalaise, courait allègrement les allées du pouvoir à Bamako. Quel ingrat ! Mille merci à Dieu que je n’ai pas pratiqué un aussi ignoble personnage. Il est vrai qu’Hassan Diop, qui a blanchi sous le harnais à RFI, cette radio néo-coloniale, ne peut qu’être la voix de son maître. Le nègre de service en somme. Seul l’éditorialiste Jean-Baptiste Placa avait pris ses distances avec la bande des joyeux persifleurs.
Après la proclamation, le 5 avril, de la république de l’Azawad par les jeunes aventuriers du MNLA, les Marie-Pierre Olphan ont certainement allumé un feu de joie pour danser tout autour. Mais la fête ne sera que de courte durée, car ceux qui ont violé le territoire malien, dans le cadre d’une association de malfaiteurs, ne tarderont pas à mettre le masque bas. Nous assistons, en l’occurrence, à un véritable marché de dupes dans la Sahara malien. Et les Christine Muratet sont bien obligées, certainement la mort dans l’âme, de reconnaître que les islamistes d’Ançar Dine et d’AQMI ont bien pris le dessus sur le MNLA.
Ainsi à Tombouctou, le MNLA ne contrôlerait que l’aéroport et les voies d’accès de la ville, la cité elle-même étant entre les mains d’Ançar Dine et d’AQM qui imposent leur loi à la population. Idem à Gao.
Alors que vaut dans ce contexte la proclamation d’une république de l’Azawad ? Une mauvaise plaisanterie comme le relèvera, juste titre, le président de la Commission de l’Union Africaine, Jean Ping. En fait, la création de cette fantomatique république a été rejetée par l’ensemble de la communauté internationale. Résultat : les aventuriers du MNLA sont plus que jamais isolés. Débordés- dominés serait un terme plus adéquat- par les islamistes radicaux d’Anar Dine et d’AQMI et boudés par la communauté internationale-à l’exception bien entendu de leurs protecteurs occultes-les plaisantins du MNLA ne savent plus à quel saint se vouer. Nous avons toujours écrit qu’une république de l’Azawad ne pourra jamais être une entité viable pour une multitude de raisons plus évidentes les unes que les autres. Des raisons qui, du reste, ne sont pas ignorées des mercenaires du MNLA. Ils savent très bien que les Arabes du Mali ne se laisseront jamais dirigés par des Touareg. Ils savent tout aussi bien qu’au sein de cette communauté les différentes tribus ne tarderont pas à s’entretuer dans d’interminables conflits fratricides pour le leadership. Sans compter que leur action n’est nullement l’expression d’une volonté populaire de la communauté Touareg.
Faut-il encore rappeler que les Touareg sont minoritaires dans tout le septentrion à l’exception de la région de Kidal ? Comment, dans ces conditions, les bandits armés du MNLA peuvent-ils avoir la prétention d’agir et de parler au nom des autres communautés que sont les Sonrhaïs, les Maures, les Peuhls et autres Bozos ?
Après la prise des villes de Gao et Tombouctou rendue possible grâce à la collaboration avec Ançar Dine et AQMI qu’ils étaient censés combattre (selon en tout cas Paris) les bandits armés du MNLA ne sont-ils pas illustrés par des actes d’une violence inouïe notamment, fait gravissimes, la destruction d’hôpitaux, de maternités et de centres de santé, le pillage des banques et des services de l’administration, des vols et des pillages de boutiques appartenant à des particuliers et des stocks de sécurité alimentaires, des violations massives des droits de l’homme avec à la clé des viols collectifs de femmes, de jeunes filles et même d’enfants mineures sur la place publique ?
Des actes extrêmement graves qu’on n’a, cependant, pas entendu la France dénoncer. Encore des indices graves et concordants. Au regard de ce tableau, les éléments du MNLA apparaissent sous les traits de gens qui ne sont mus que par la haine, l’instinct de destruction et un esprit revanchard. Comment des gens pareils peuvent-ils créer une République, toute chose qui requiert un titanesque travail de construction ? Au demeurant, il ne serait guerre utile de s’attarder davantage sur la non viabilité d’une république de l’Azawad. Toujours est-il que les actes posés par le MNLA sont de nature à desservir la cause de la communauté touareg en portant atteinte à son image. Encore que, faut-il le préciser, l’écrasante majorité des Touareg n’aspire qu’à vivre en paix avec les autres composantes de la société malienne et qui n’ont rien à voir les bandits armés du MNLA.
Des jeunes voyous qui, il faut bien l’admettre, ont mené en bateau les autorités françaises. A moins que, hypothèse très plausible, en plus de la lutte contre AQMI et la libération de ses otages, la France n’ait d’autres objectifs stratégiques à atteindre dans le Sahara malien. Des objectifs comme l’implantation d’une base militaire à Tessalit dans la région de Kidal. Ce n’est un secret pour personne : à cause de sa position géographique, Tessalit est un poste d’observation unique au monde des différentes régions de la terre surtout le Moyen Orient qui concentre les principaux enjeux géostratégiques du monde. De par cette position, Tessalit est convoitée depuis des lustres par les grandes puissances qui sont prêtes à offrir la lune au Mali pour y prendre pied. Seulement voilà : depuis que le Mali de Modibo Keïta a chassé de son territoire le dernier soldat français en 1961, notre pays n’a plus jamais accepté d’abriter sur son sol une base étrangère
Autre enjeu stratégique visé par la France, ce sont les ressources minières que renferme le sous-sol malien dans sa partie septentrionale, notamment le pétrole et l’uranium qui sont tous, nul besoin de le démonter, des produits hautement stratégiques. Ici, il est révélateur que quatre des cinq bassins sédimentaires du Mali se trouvent dans le septentrion malien, territoire revendiqué par le MNLA. Curieuse coïncidence. Il s’agit des deux petits bassins de Tamesna et de Iullemeden (région de Kidal) du graben de Gao (bassin sédimentaire à grandes failles) et du bassin sédimentaire de Taoudénit, l’un des plus grands bassins sédimentaires du monde qui se trouve à cheval sur la Mauritanie et le Mali et dont la plus grande partie, soit environ 800 000 km2, est située en territoire malien, précisément dans la région de Tombouctou. Des travaux de prospection très poussés ont été récemment effectués sur ces bassins surtout celui de Taoudénit ouvrant ainsi des perspectives très prometteuses de découvrir du pétrole. Il ne restait qu’à effectuer un forage profond sur le bloc n°4 de ce bassin pour s’assurer de l’effectivité de la présence de l’or noir.
Un important gisement d’uranium se trouverait également dans la région de Kidal où, par ailleurs, des indices d’or ont été mis en évidence. S’y ajoutent de grandes réserves de manganèse et de phosphates.
C’est fort possible que dans les différents scenarii élaborés par les analystes à courte vue de l’Elysée, la France ait envisagé, comble de machiavélisme, d’utiliser le MNLA. Pour parvenir à ses fins, le pays de Sarkozy-pour combien de temps encore ?- aurait-elle même prévu l’afghanistanisation du Nord-Mali, ce chaos si souvent évoqué par la presse française. Un chaos conçu, programmé et exécuté par Paris par phases successives ? Un scénario-catastrophe prévoyant la désintégration de la nation malienne avec en prime une crise politique au sud du pays. Que Dieu nous préserve de ce funeste dessein !
Vouloir tirer profit d’une déstabilisation du Mali, c’est vite oublier de la part des analystes myopes de l’Elysée qu’une afghanistanisation du Nord-Mali serait lourd de tous les dangers pour les pays occidentaux, en particulier pour la France. Car, à partir de leur immense sanctuaire (paradis serait un mot plus adéquat avec la création d’un émirat islamique dans le désert malien) les islamistes radicaux auront tout le loisir de préparer leurs coups avant d’aller perpétrer des actes terroristes majeurs en France avec à la clé une déstabilisation à grande échelle des pays occidentaux. Ce serait comme un retour de manivelle. Comme, on le voit, personne n’est à l’abri. Qui aurait crû que le 11 septembre pouvait arriver aux Etats-Unis, la plus grande puissance du monde ?
Tout se passe comme si au lieu d’aider à stopper la gigantesque vague islamiste radicale qui déferle sur l’Afrique, en particulier les pays du Sahel, la France de Nicolas Sarkozy cherche paradoxalement à faire de ces djihadistes des alliés objectifs avec pour arrière-pensée le pillage des ressources naturelles de ces pays sans défense et au même moment on cherche à barricader l’entrée de l’Europe aux citoyens de ces pays qu’on a toujours appauvris. Une partie de la presse française et même certains hommes politiques français ont eu le courage d’indexer la responsabilité de la France dans cette déstabilisation programmée des pays du Sahel. Ce qui prouve que, malgré tout, il y a encore des hommes et des femmes lucides dans la France de Nicolas Sarkozy. Sarkozy ce Franco-Magyar d’origine juive qui a échappé de peu au nanisme épiphysaire et qui veut sublimer son handicap physique et ses déboires amoureux dans la volonté de puissance.
N’a-t-il pas déclaré lors de son passage au Sénégal devant des étudiants médusés de l’Université Cheik Anta Diop que les Africains (dans son subconscient il pensait certainement les Noirs) n’étaient pas encore entrés dans l’histoire, qu’ils répètent inlassablement les mêmes gestes depuis la nuit des temps, incapables qu’ils sont d’aucune innovation, comme s’ils étaient situés quelque part entre le primate et l’homme. C’est la plus grave insulte qu’on peut faire à toute une race. De telles déclarations ne peuvent être sous-tendues que par une idéologie non loin des thèses défendues par Anders Behring Breivik. Son mandat fut une calamité et pour la France et pour l’Afrique. Espérons seulement que François Hollande, son probable successeur à l’Elysée, ait une politique plus humaine à l’égard de notre continent.
Aux djihadistes de tous bords qu’ils sachent que le Mali, qui est un pays musulman à 90%, a été islamisé depuis les temps immémoriaux d’une manière pacifique par la voie des échanges commerciaux entre l’Afrique noire et le monde arabe. Le prophète Mohammad (Paix et Salut sur Lui !) au nom de qui ils prétendent agir état un homme de bien exemplaire à tous points de vue, d’une générosité et d’une honnêteté à toute épreuve. De son vivant, on lui fait boire jusqu’ la lie le calice de la méchanceté humaine. S’il était encore de ce monde nul doute qu’il désapprouverait sans ambages les nombreux crimes qui sont commis en son nom et au nom de l’islam, une religion synonyme de soumission à Dieu et de tolérance.
Qu’ils sachent encore que le Mali est une République laïque où la coexistence pacifique et le dialogue interreligieux entre l’islam et le christianisme-tous deux des religions monothéistes-et la cohésion entre les différentes ethnies constituent le fondement de la paix sociale et de la stabilité sociopolitique.
Les islamistes radicaux doivent également réaliser que la drogue est autant condamnable que l’alcool dans la mesure où la première nommée déshumanise ses consommateurs en un rien temps et où le couple drogue-criminalité est un couple tristement célèbre. Dans la mesure où, last but not least, toute substance qui rend ivre est prohibé par le Saint Coran. Tout le monde sait que la drogue rentre dans cette définition générique et quelle est tolérée par nos djihadistes alors que pour des raisons à la fois religieuses, sociales et sécuritaires voire géostratégiques une tolérance zéro doit être observée à l’égard de la drogue qu’elle soit douce ou dure.
En vérité, le Mali fait face à des menaces exceptionnelles auxquelles peu de pays africains seuls pourraient efficacement faire face : les bandits armés du MNLA alliés aux groupes islamistes radicaux d’Anar Dine et d’AQMI et même de Boko Haram, sans compter les trafiquants d’armes et de drogues. Fait notable pour être souligné d’un trait rouge, de source crédible, après la prise de Tessalit par les bandits armés, un avion cargo du royaume du Qatar a atterri dans cette localité avant de déverser une importante quantité d’armes sophistiquées, des munitions et des 4×4 pour le compte des assaillants Et l’on comprend a posteriori pourquoi les Marie-Pierre Olphan avaient auparavant éprouvé le besoin de souligner l’importance stratégique de Tessalit qui, avaient-elles précisé, dispose d’un aéroport. Des sources ont également fait état de la présence, aux côtés des assaillants, de mercenaires, y compris des mercenaires tchadiens, payés à 200 000 FCFA par jour sans compter les primes spéciales pour la prise des villes
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En définitive, le cas du Mali nous renvoie à une agression caractérisée d’un pays souverain par des bandits armés appuyés par un ramassis de forces extérieures sous les yeux de l’ONU, une organisation censée lutter contre pareille agression. Cependant, cette situation ne doit nullement nous empêcher de faire notre autocritique et de situer notre part de responsabilité dans cette crise sans précédent dans l’histoire de notre pays. Ici, on peut évoquer la gestion laxiste du dossier Nord-Mali par l’ancien président, Amadou Toumani Touré. Il a laissé entrer avec leurs armes les mercenaires touareg qui combattaient aux côtés de Kadhafi, leur a laissé le temps de s’établir et de se préparer à leur guise contrairement au Niger qui a choisi, d’emblée, de jouer la carte de la fermeté, une stratégie qui s’est révélée, au bout du compte, payante. Dans une démarche proactive, il aurait dû doter l’armée malienne de moyens conséquents-surtout matériels et logistiques-à la mesure de l’armada que les agresseurs ont ramenée de leur débâcle libyenne.
Mais l’affaiblissement de l’armée malienne vient aussi de loin. De source militaire, on raconte que sous le président Alpha Oumar Konaré des quantités industrielles d’obus, y compris des obus des BM 21, ces fameuses orgues de Staline qui ont joué un rôle décisif dans l’issue de la Deuxième Guerre Mondiale, ont été détruits à Amakouladji dans la région de Gao. Dans le même ordre d’idée, à Kati des chars auraient été découpés au chalumeau avant d’être cédés à des ferrailleurs. Raison naïvement invoquée à l’époque : « Nous ne sommes pas en guerre ; en démocratie on n’a pas besoin d’une armée forte et de toute cette quincaillerie ». En tout cas, c’est l’esprit qui prévalait à l’époque. Alors qu’un minimum de bon sens et de clairvoyance aurait dû faire comprendre que la sécurité est une question centrale qui conditionne tout : pas de sécurité, pas de développement encore moins de démocratie
Le successeur d’Alpha Oumar Konaré, le président Amadou Toumani Touré, tout militaire qu’il est et de surcroît Général d’Armée, n’a pas pu ou n’a pas voulu arrêter cette dérive. Sa politique du laisser-faire et du laisser-aller a eu comme résultat de faire prospérer l’affairisme et la corruption jusque dans l’armée. L’hydre de la corruption a fini par gangrener tout le corps social. Ses promesses faites en 2010 dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation militaire n’ont jamais été suivies d’effet. Sa rhétorique sur « l’armée de nos besoins et non l’armée de nos habitudes » apparaît avec cette crise comme de pures incantations. Après le coup d’Etat, des rumeurs les plus folles ont circulé sur son compte, notamment qu’il aurait vendu le Nord-Mali ou qu’il serait dans un réseau international de trafic drogues ; nous nous préférons, pour le moment, nous en tenir aux faits, en l’occurrence sa gestion laxiste du dossier sécuritaire du Nord-Mali. Il a été rattrapé par cette façon de gérer, malheureusement, sur les derniers mètres d’un marathon de dix ans. Cela en dépit de ses nombreuses réalisations sur le front du développement économique et social. Alors ATT le bâtisseur-fossoyeur ? L’heure n’est pas encore au bilan mais il s’agit plutôt de sauver la patrie en péril.
Devant cette crise sans précédent, le peuple malien se sent trahi et abandonné à la fois de l’intérieur comme de l’extérieur. En effet, l’élite malienne, dans toutes ses composantes, a failli. Au sommet de l’exécutif, on n’a pas pu ou voulu anticiper sur les problèmes et prendre les mesures idoines pour faire face à la situation alors qu’on a toujours dit que gouverner c’est prévoir. Les leaders de la classe politique se sont, quant à eux, toujours montrés plus préoccupés de la préservation de leurs postes et des prébendes qui y sont liées que de l’avenir du Mali.
Ces derniers temps, l’on a beaucoup glosé sur la nécessité d’une union sacrée face à la crise et de mettre le Mali au-dessus de tous les intérêts partisans et personnels. L’on assiste également à la création d’une multitude d’associations à consonance patriotique. Pourvu seulement que ce ne soit pas de simples professions de foi ou un phénomène de mode. Il faut que ce soit une véritable lame de fond issu d’un électrochoc, un vrai sursaut national pour sauver la patrie en danger. C’est en cela et en cela seulement que nous nous montrerons dignes héritiers de Soundiata Kéïta, Da Monzon Diarra, Tiéba et Babemba Traoré, El Hadj Omar Tall, Koumi Diossé, Firhoun et autre Banzani Théra. Des dignes héritiers de ceux qui ont donné au monde sa toute première Constitution en 1436 à Kouroukan Fouga. Autrement nous courons le risque de devenir la risée de l’univers après avoir été une référence pour l’Afrique, voire le monde.
Reste l’attitude des autres pays du champ que sont la Mauritanie, l’Algérie et le Niger. Ceux-ci nous ont plutôt habitués à une approche partiale et partielle voire parcellaire du dossier sécuritaire dans la bande sahélo-saharienne. Pour l’Algérie et la Mauritanie seul compte la lutte contre AQMI, comme si les insurgés du MNLA qui tuent, violent et pillent les paisibles citoyens n’étaient que de gentils chérubins.
S’agissant précisément de l’Algérie, qui a toujours offert sa médiation dans le dossier de l’irrédentisme targui au Mali, si l’on pousse plus loin on peut même penser, sans vouloir lui faire un procès d’intention, que le pays d’Abdelaziz Bouteflika travaillerait à pérenniser de la rébellion touareg dans le but de l’utiliser comme un moyen de pression et d’assouvir ainsi ses ambitions de puissance régionale. Alors que la démarche logique, la plus productive serait une approche holistique, globale prenant en compte les besoins sécuritaires de tous les pays du champ.
Il est aussi vrai que le Mali n’a pas lui aussi fait preuve d’un zèle excessif dans la lutte contre AQMI. Là également, il faut relativiser les choses car la France, de son côté, n’a rien fait pour faciliter cette lutte. Au contraire. En payant des rançons aux djihadistes la France les renforce quelque part si l’on sait que ces rançons se paient en millions d’euros. Ne dit-on pas que l’argent est le nerf de la guerre ? Souvenons-nous : la France n’a-t-elle fait pression sur ATT pour qu’il libère en catimini, après un semblant de procès, quatre éléments très dangereux d’AQMI arrêtés par l’armée malienne comprenant un Mauritanien, deux Algériens et un Burkinabé en échange de la libération de Pierre Camatte dont beaucoup disaient qu’il était un agent secret français ? A l’époque le président français Nicolas Sarkozy avait même interrompu sa visite officielle au Gabon pour venir féliciter nuitamment ATT au palais de Koulouba. Avant d’emporter dans son avion l’ex-otage français. Personne n’est amnésique, personne n’est dupe, personne n’est simple d’esprit. Il est tellement plus facile de jeter la pierre à autrui.
Toujours est-il que la création d’un émirat islamique dans le Nord-Mali ou la simple déstabilisation du septentrion malien n’arrange aucun pays du champ comme l’enlèvement du Consul d’Algérie à Gao avec six de ses collaborateurs le prouve suffisamment.
Yaya SIDIBE, journaliste indépendant
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