mercredi 11 avril 2012
Drogue: le continent africain dans le collimateur des Etats-Unis
Les Etats-Unis surveillent de plus en plus près la situation du trafic de drogue sur le continent africain. Une attention renforcée par les liens que Washington perçoit entre trafic de drogue, blanchiment d'argent sale et terrorisme.
Le continent africain fait, plus que jamais, partie des zones considérées à Washington comme à risque en matière de trafic de drogue. Ces dernières années, les opérations de grande ampleur menées par son agence anti-drogue, la fameuse DEA, se sont multipliées. En mai 2010, un réseau devant transporter 6 à 7 tonnes de cocaïne colombienne par avion du Venezuela au Liberia a été démantelé. Les « stups » américains sont aussi intervenus en 2010 au Nigeria aux côtés de l'agence antidrogue locale dans la saisie de deux containers totalisant 275 kg de cocaïne et dans le démantèlement d'un laboratoire de fabrication de méthamphétamine dans la région de Lagos. En décembre 2011, la justice américaine a, en outre, lancé des poursuites contre des établissements financiers libanais, dont certains basés au Bénin et au Togo, accusés de blanchir de l'argent de la drogue.
Washington a, en outre, renforcé son dispositif dans la région. En 2010, les Etats-Unis ont inauguré un important centre de contrôle maritime antidrogue sur l'île de Santiago au Cap-Vert (Counter Narcotics Maritime Security and Interagency Fusion Center). La DEA a, par ailleurs, ouvert un bureau régional au Kenya en 2011. Washington fournit aussi aux pays africains un appui technique sous forme de formation mais aussi d'équipements important, comme des navires offerts à certains pays pour renforcer la surveillance de leurs côtes.
Liste noire
D'autre part, les Etats-Unis ont placé sur liste noire, depuis 2008, une série de personnalités présentées comme liées au trafic international de stupéfiants ou au blanchiment d'argent de la drogue. Parmi elles: l’un des fils de l'ancien président guinéen Lansana Conté, Ousmane Conté, l'ex-chef d'état-major de la Marine de Guinée-Bissau, Bubo Na Tchuto, le député et homme d'affaire kenyan Harun Mwau ou encore Mohamed Bachir Suleymane, l'une des personnalités les plus riches du Mozambique, par ailleurs financier du parti au pouvoir.
Et à lire le rapport annuel sur le trafic de stupéfiants dans le monde du département d'Etat (International Narcotics Control Strategy Report), publié en mars dernier, Washington n'entend pas relâcher son attention sur l'Afrique. Cet épais document dresse un état des lieux de la situation du trafic de drogue dans un grand nombre de pays du monde, dont une trentaine se trouve en Afrique.
L'Afrique de l'Ouest y est toujours classée parmi les points les plus chauds. « Les informations disponibles montrent le renforcement continu du trafic illégal de drogue entre l’Amérique du Sud et l’Afrique de l’Ouest. L’Afrique de l’Ouest est le point le plus proche de l’Amérique du Sud pour les échanges transatlantiques, et sa proximité avec l’Europe offre une voie naturelle vers les marchés européens de la drogue », a indiqué le département d’Etat lors de la publication de son rapport. Au nombre des pays surveillés de près à Washington : le Nigeria, pays clé pour tous les trafics et le blanchiment d'argent sale, où la DEA mène des actions communes avec la NDLEA (agence antidrogue locale). Le Bénin voisin, estime-t-on à Washington, est aussi une importante plaque-tournante pour la cocaïne et l'héroïne, en particulier via le port de Cotonou, ainsi que pour la méthamphétamine. Même constat pour le Ghana, auquel les Etats-Unis fournissent une importante assistance technique (présence de conseillers auprès des organes de lutte contre le blanchiment, formation fournie par la DEA, entraînement des gardes côtes…). La longue liste américaine des pays à risques comprend aussi le Togo, le Libéria, la Sierra Leone, la Guinée-Bissau, la Guinée-Conakry et le Niger, où le département d'Etat déplore l'inefficacité de la lutte antidrogue.
L’Afrique de l’Ouest, mais pas seulement...
En réalité, l’attention des Etats-Unis se porte sur l’ensemble du continent africain, dont l'Afrique du Nord (notamment l'Algérie et le Maroc, premier fournisseur de résine de cannabis à l'Europe) ainsi que l'Afrique orientale. Le Kenya est tout particulièrement épinglé. Tout en rappelant que ce pays est une terre de transit et de consommation de l'héroïne, doublée d'un lieu de passage pour la cocaïne latino-américaine, le département d'Etat fait un constat accablant: « Des barons de la drogue financent des campagnes électorales et achètent des officiels du gouvernement, des responsables de l'application de la loi, des politiciens et les médias ». Washington évoque également la faiblesse et l'inefficacité de la lutte antidrogue en Tanzanie, où la consommation d'héroïne flambe, en Ouganda et en Ethiopie. Les Etats-Unis s'inquiètent, au reste, de la profusion de drogues (cocaïne, héroïne, méthamphétamine, mandrax) en Afrique du Sud. Elles y transitent et sont parfois consommées ou même produites sur place. Un pays où rappelle Washington, « Sheryl Cwele, épouse du ministre de la Sécurité, a été reconnue coupable en mai 2011 de trafic de drogue », tandis que le chef de la police Bheki Cele a été suspendu pour corruption.
Il est donc clair que le continent africain est, pour les Etats-Unis, l’une des « nouvelles frontières » dans la lutte contre le trafic de stupéfiants. D’autant que Washington, plus encore que la France, évoque depuis déjà longtemps des liens entre trafic de drogue en Afrique et financement du terrorisme. L’ouverture, en décembre 2011, d’une enquête citée plus haut sur les liens entre certains établissements libanais à Beyrouth et au sud du Sahara, le blanchiment d’argent de la drogue et le Hezbollah, placé par Washington sur la liste des organisations terroristes, en est un exemple. Mais le département d’Etat considère également des pays comme le Kenya comme des lieux de blanchiment d’argent sale pouvant servir au financement de groupe armés extrémistes islamistes, comme le shebabs somaliens.
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