mercredi 26 septembre 2012

LE TEXTE INTÉGRAL DU DISCOURS DU PRÉSIDENT FRANÇAIS DEVANT L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L'ONU


 Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Monsieur le Secrétaire Général,

...
C’est la première fois que je m’exprime à cette tribune au nom de la France. Je viens rappeler des valeurs qui n’appartiennent à aucun peuple, qui ne sont la propriété d’aucune nation, qui ne sont le privilège d’aucun continent, mais que la France a toujours proclamées et défendues : la paix, la justice, le progrès, la solidarité. Je viens rappeler des droits qui sont ceux de tout être humain : la liberté, la sûreté, la résistance à l’oppression.
Ces valeurs et ces droits sont trop souvent bafoués dans un monde traversé de crises profondes, dont les repères traditionnels s’effacent et sur lequel pèsent des menaces nouvelles.
Le fanatisme nourrit les violences. L’économie mondiale est déstabilisée et connaît un creusement des inégalités insupportable. Le dérèglement du climat met en péril la survie même de notre planète.
La mission des Nations-Unies est de nous permettre de trouver, ensemble, des réponses justes et fortes à tous ces défis. Car sans la justice, la force est aveugle. Et sans la force, la justice est impuissante.
Ensemble, nous avons su, ces dernières années, mettre fin à des conflits meurtriers et prévenir des affrontements sanglants. Près de 100 000 casques bleus agissent en notre nom. Qu’il leur soit rendu hommage.

Mais trop souvent par inertie, par division, par blocage de nos propres institutions et notamment au Conseil de sécurité, l’ONU est incapable d’empêcher la guerre, les exactions, ou les atteintes aux droits des peuples. Alors, tirons-en la conclusion : si nous voulons rendre notre monde plus sûr, il nous appartient de prendre pleinement nos responsabilités.

D’abord, dans la réforme de notre propre organisation.
Le Conseil doit mieux refléter les équilibres du monde d’aujourd’hui. C’est pourquoi la France soutient la demande d’élargissement formulée par l’Allemagne, le Japon, l’Inde et le Brésil. Elle est également favorable à une présence accrue de l’Afrique, y compris parmi les membres permanents. Siéger au Conseil de sécurité, ce n'est pas jouir d'un privilège. Pas davantage satisfaire une ambition. C'est prendre l'engagement d'agir.
Car nous avons le devoir d’agir. D’agir ensemble et d’agir vite, car il y a urgence.
L’urgence, c’est d’abord la Syrie.
Cette Assemblée a dénoncé les massacres perpétrés par le régime syrien, demandé que les responsables des crimes commis soient jugés et soutenu une transition démocratique. Le calvaire de la population se poursuit néanmoins. Chaque jour c’est plus de 4000 hommes, femmes, enfants qui sont victimes de la répression aveugle. Comment admettre plus longtemps la paralysie de l’ONU ?
J’ai une certitude : le régime syrien ne retrouvera jamais sa place dans le concert des nations. Il n’a pas d’avenir parmi nous. C’est pourquoi, la France reconnaîtra le gouvernement provisoire, représentatif de la nouvelle Syrie libre, lorsqu’il sera formé. Il exigera de lui toutes les garanties pour que chaque communauté soit respectée et vive en sécurité dans la Syrie de demain.
Et sans attendre, je demande que les Nations- Unies accordent dès maintenant au peuple syrien tout le soutien qu’il nous demande et protègent les zones libérées, en assurant une aide humanitaire pour les réfugiés. Quant aux dirigeants de Damas, ils doivent savoir que la communauté internationale ne restera pas inerte s’ils venaient à utiliser des armes chimiques.
Car l’urgence, c’est aussi de lutter contre la plus grave des menaces contre la paix et la sécurité internationale : la prolifération des armes de destruction massive.
Or, depuis des années, l’Iran ignore les exigences de la communauté internationale, s’affranchit du contrôle de l’AIEA, ne respecte pas les résolutions du Conseil de sécurité et développe un programme nucléaire sans aucune finalité civile. Je dis, clairement, aux dirigeants iraniens que la France n’accepte pas cette dérive qui menace la sécurité régionale. Avec ses partenaires européens, elle est donc prête à prendre de nouvelles sanctions. Au grand peuple iranien, je veux dire que l’objectif de ces mesures n’est pas de lui nuire mais d’amener ses dirigeants à négocier.
Dans cette région du Moyen-Orient, l’urgence c’est de trouver enfin une issue au conflit israélo-palestinien.
Le statu quo n’est pas une réponse. C’est une impasse. La France contribuera de toutes ses forces à restaurer les bases d’une négociation confiante débouchant sur la coexistence des deux Etats dont chacun sait qu’elle est la seule solution qui soit juste et durable.
L’urgence, c’est enfin le Sahel. La communauté internationale doit prendre la mesure de la gravité de la situation créée par l’occupation d’un territoire par des groupes terroristes au Nord Mali. Il est urgent d’aider les Etats de la région à trouver ensemble une réponse politique, économique et humanitaire. L’Union Africaine, la CEDEAO doivent prendre des décisions courageuses. La France soutiendra les initiatives que prendront les Africains, à partir de la légalité internationale que leur confèrera une résolution du Conseil de sécurité, pour permettre au Mali de retrouver son intégrité territoriale.
Répondre aux crises urgentes : c’est notre devoir mais nous devons faire davantage et relever les défis globaux du développement. Ce doit être notre ambition.
Après la Conférence de Rio +20, la France demande que soit mis en place sans tarder un agenda alliant croissance économique, réduction de la pauvreté et des inégalités, progrès social, et protection de l’environnement. Nous devons parvenir à un accord mondial sur le climat d’ici à 2015. J’annonce que mon pays est disponible pour accueillir, à cette date, la conférence des parties à la convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques.
Parallèlement, nous poursuivrons nos efforts pour améliorer la gouvernance de l’environnement. La France souhaite la mise en place d’une Organisation des Nations Unies pour l’environnement, basée en Afrique. Ce serait justice pour un continent trop longtemps délaissé et dont le poids justifie la confiance que nous lui accordons.
Mais sur le développement, parlons-nous franchement : Nous n’atteindrons pas les objectifs du millénaire sans ressources nouvelles. Chacun connait les contraintes budgétaires de nos Etats. C’est pourquoi je lance un appel à cette tribune en faveur des financements innovants. Avec eux, nous nous donnons les moyens de lutter efficacement contre le VIH-SIDA et le paludisme. S'inspirant du succès d’UNITAID, financé par une taxe sur les billets d’avion, la France plaide avec force pour l'instauration d'une taxe sur les transactions financières, afin que les mouvements de capitaux, qui profitent de la mondialisation, contribuent en retour au développement et à la lutte contre les pandémies. La France s’est dotée de cette taxe. Et dix pour cent seront consacrés au développement. J’invite tous les pays à faire de même pour construire la mondialisation de la solidarité.
Il revient aussi aux Nations-Unies d’agir sur tous les facteurs d’instabilité.
Je pense d’abord au trafic de drogue, fléau touchant les pays de production, de transit et de consommation : face aux narcotrafiquants, à leurs alliances avec les réseaux terroristes parfois, c’est une stratégie mondiale de lutte contre la drogue que nous devons définir et mettre en œuvre.
De même, les trafics d’armes représentent aussi un grave danger. La France est résolument engagée dans la conclusion d’un traité universel sur le commerce des armes.
Enfin, la piraterie a prospéré sur la faiblesse de certains Etats –comme la Somalie- et, récemment, dans le golfe de Guinée. L’Union européenne a pris ses responsabilités. Les Nations-Unies doivent se saisir, désormais, de cet enjeu pour qu’enfin les auteurs de ces crimes soient sanctionnés.
*
Car ce que l’ONU doit défendre, c’est une conception du monde fondée sur le respect des droits et des libertés fondamentales.
Les « printemps arabes » ont montré que ces valeurs étaient universelles.
Les transitions en cours ne sont pas faciles. Elles ne réussiront que si elles respectent les valeurs qui les ont fait naître. La France appuie les nouvelles autorités politiques issues d’élections démocratiques à combattre sans aucune complaisance, l’extrémisme, le fanatisme, la haine de l'autre et toutes les violences, quelles que soient les provocations qu’elles peuvent rencontrer.
La lutte pour les libertés fondamentales, c’est le combat historique de la France : l’abolition de la peine de mort, les droits des femmes à l’égalité, à la dignité, la dépénalisation universelle de l’homosexualité, la protection des civils. Sur ce dernier point, je rappelle que cette Assemblée a affirmé, en 2005, un principe : les Etats ont la responsabilité d’assurer la sécurité de leurs civils. Et s’ils venaient à manquer à cette obligation, l’ONU s’est engagée à l’assumer à leur place. N’enterrons pas cette promesse. Je pense en particulier à la République démocratique du Congo, où, de surcroît, les ingérences étrangères doivent cesser.
Voilà les orientations sur lesquelles nous nous engagerons ici aux Nations-Unies.
* * *
Préserver la paix, organiser le développement, défendre le droit : voilà la mission de l’Organisation des Nations-Unies. Elle est fondée sur une réalité : aucun Etat, si puissant soit-il, ne peut affronter seul les défis universels, répondre seul aux urgences globales, venir seul à bout des crises mondiales. Elle est portée par une conviction : l’ONU doit être le cadre de la gouvernance mondiale.
Mais nous savons aussi ce qui menace notre organisation : l'indécision, la lourdeur des procédures, l'enlisement, l’impuissance face à des périls qui, eux, n'attendent pas.
Alors, agissons, prenons nos responsabilités, soyons à la hauteur des attentes des peuples du monde.
La France y est prête.

Je vous remercie.

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