mercredi 26 septembre 2012

Extrait du dernier rapport de Intervnati​onal Crisis sur le Mali

1. « En l’absence de décisions rapides, fortes et cohérentes aux niveaux régional (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, Cedeao), continental (Union Africaine, UA) et international (Nations unies) avant la fin de ce mois de septembre, la situation politique, sécuritaire, économique et sociale au Mali se détériorera. Tous les scénarios sont encore ouverts, y compris celui d’un nouveau coup d’Etat militaire et de troubles sociaux dans la capitale, aboutissant à une remise en cause des institutions de transition et à un chaos propice à la propagation de l’extrémisme religieux et de la violence terroriste au Mali et au-delà. Aucun des trois acteurs qui se partagent le pouvoir, le président intérimaire Dioncounda Traoré, le Premier ministre Cheick Modibo Diarra et le chef de l’ex-junte, le capitaine Amadou Sanogo, ne dispose d’une légitimité populaire et d’une compétence suffisantes pour éviter une crise plus aiguë. Le pays a urgemment besoin de la mobilisation des meilleures compétences maliennes au-delà des clivages politiques et non d’une bataille de positionnement à la tête d’un Etat qui risque de s’écrouler »

2. «Près de six mois après le coup d’Etat qui a renversé le président Amadou Toumani Touré (ATT) et l’abandon par l’armée malienne des trois régions administratives du Nord à des groupes armés.
Aucun pôle de l’Etat malien n’a pu donner une direction claire à la transition politique et formuler une demande précise et cohérente d’assistance à la communauté internationale pour reprendre le contrôle du Nord, qui représente plus de deux-tiers du territoire. Les six prochains mois seront déterminants pour la stabilité du Mali, du Sahel et de toute l’Afrique de l’Ouest, tant les facteurs de risque sont nombreux et les déficits de leadership à tous les niveaux de prise de décision ont jusque-là été patents. »
3. « Ce n’est pas l’armée malienne et les forces de la Cedeao qui pourront s’attaquer aux flux de combattants et d’armes entre la Libye fragmentée et le Nord-Mali à travers le Sud algérien et/ou le Nord du Niger. Le rétablissement d’une sécurité minimale et durable au Nord-Mali ne peut être envisagé, en particulier, sans une implication claire des responsables politiques et militaires algériens »
4. « Les dirigeants de la Cedeao doivent : reconnaitre les limites de l’organisation aussi bien dans le domaine de la médiation que dans celui de la planification d’une mission militaire au Mali et travailler désormais étroitement avec l’Union africaine et surtout les Nations unies qui sont mieux habilitées à répondre aux défis posés par une crise qui menace la paix et la sécurité internationales ».
5. « Le président intérimaire Dioncounda Traoré, particulièrement impopulaire, ne tient son fragile pouvoir que de la Cedeao et de son statut de remplaçant constitutionnel du président déchu.1 Les espoirs nés de son retour au pays après son séjour médical prolongé en France et un discours rassembleur prononcé le 29 juillet 2012 sont totalement retombés. Il a perdu la main rapidement au profit du Premier ministre Cheick Modibo Diarra, qui semblait pourtant très affaibli fin juillet.2 Nommé en vertu de l’accord-cadre signé le 6 avril, ce dernier s’est solidement accroché à son poste et a en partie échappé au contrôle de ceux qui ont contribué à sa nomination, en particulier le Burkina Faso, médiateur choisi par la Cedeao. Malgré la volonté de l’organisation régionale de le voir partir fin juillet, Modibo Diarra s’est maintenu et a eu la haute main dans la formation du second gouvernement de transition, un gouvernement d’union nationale de 31 personnes qui n’est pas très différent de l’équipe précédente ».
6. « Le capitaine Amadou Haya Sanogo ne dispose plus de titre officiel mais représente toujours les clans de l’armée qui contrôlent l’appareil militaire et sécuritaire, donc la capacité de répression, depuis le coup d’Etat. La ville-garnison de Kati, à une quinzaine de kilomètres de Bamako, qui abrite ce qui reste d’armes, de munitions et d’équipements des forces maliennes après la débâcle militaire dans le Nord, est un pôle incontournable du pouvoir qui échappe aux autorités civiles de transition. »
7. « Compte tenu des graves violations des droits de l’homme dont les putschistes se sont rendus coupables, Sanogo et les autres responsables de l’ex-junte se savent exposés à des lendemains judiciaires compliqués »
8. « La survie physique de Sanogo dépend de sa capacité à honorer les promesses faites aux soldats, notamment quant aux primes et autres avantages, tandis que sa survie comme acteur durable de la transition dépend de son aptitude à afficher un respect formel des autorités civiles et à se rendre indispensable dans le processus de restructuration et de rééquipement de l’armée».
9. « Selon les premières estimations révisées du gouvernement et du Fonds monétaire international (FMI), le Mali conqualifié la Cedeao d’organisation « rebelle » qui empêche le Mali d’aller faire la guerre aux groupes rebelles contrôlant le Nord. Cette affaire des armes bloquées a empoisonné davantage les relations entre les autorités maliennes et l’organisation ouest-africaine et accru l’impopularité de cette dernière auprès d’une partie de la population. Entretiens de Crisis Group, Bamako, 10-15 septembre 2012. Voir aussi « Guinea blocks arms shipment to Mali as distrust grows », Reuters, 6 septembre 2012. 15 Entretiens de Crisis Group, hauts responsables civils et militaires, Bamako, 13 et 15 septembre 2012. 16 Pour un rappel sur les blocs politiques qui se sont constitués au lendemain du coup d’Etat de mars 2012, voir le rapport de Crisis Group, Mali : éviter l’escalade, op. cit. 17 Entretiens de Crisis Group, diplomates, humanitaires, opérateurs économiques et témoignages recueillis à Bamako, 9-15 septembre 2012. 18 Observations de Crisis Group et témoignages de déplacés de Gao installés à Bamako, 14 septembre 2012. naitra une croissance économique de l’ordre de -3,1 pour cent à -4,1 pour cent en 2012, soit une forte récession, avec une chute d’activité dans tous les secteurs, même si les productions d’or et de coton ne semblent pas touchées.19 Les finances publiques seront de leur côté gravement affectées par une baisse des recettes totales estimée à 278 milliards de francs CFA (environ 539 millions de dollars), dont 190 milliards de francs (environ 368 millions de dollars) de dons des partenaires extérieurs gelés qui n’ alimenteront pas les caisses de l’Etat.20 Les dépenses publiques devraient être réduites de 461 milliards de francs CFA (environ 894 millions de dollars) cette année, les investissements publics passant d’une prévision de 539 milliards à un montant de 156 milliards (de 1,045 à 302 millions de dollars). Selon les révisions prévues par le gouvernement, les secteurs qui seront les plus affectés par les coupes budgétaires exigées par la situation de crise sont ceux de l’eau et de l’assainissement (-94 pour cent), le service de la dette (-92 pour cent), les transports (-84 pour cent) et l’agriculture (-70 pour cent).21 »
10. « Le Mali est certes un pays membre de la Cedeao et doit pouvoir compter sur celle-ci en cas de menace grave à son intégrité territoriale, mais il est aussi clair que la sécurité de son vaste Nord, dont le sous-sol est par ailleurs riche en pétrole, uranium et autre ressources naturelles,38 dépend aussi du maintien de relations de confiance entre Bamako et Alger ».
11. « La rupture de l’alliance stratégique informelle entre le Mali et son puissant voisin nord-africain au cours des dernières années de présidence ATT est un élément important d’explication de la facilité avec laquelle les islamistes d’Ançar Eddine et d’AQMI ont pris le contrôle du Nord-Mali.39 L’Algérie n’est pas intervenue lorsque les rebelles se sont emparés de la ville stratégique de Tessalit, qui est très proche de la frontière,40 et n’ont pas non plus aidé les forces maliennes à tenir Kidal, malgré l’existence d’un comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC) des pays du champ (Mali, Mauritanie, Niger et Algérie) basé à Tamanrasset, dans le Sud algérien. Pour les dirigeants de la transition à Bamako comme pour la Cedeao qui affiche une détermination rhétorique en décalage avec ses limites, un effort diplomatique spécifique en direction de l’Algérie, impliquant des personnalités ouest-africaines qui connaissent réellement les équilibres internes complexes de ce pays, est indispensable et urgent ».
12. « Les autorités maliennes de transition doivent enfin prendre la mesure de leur responsabilité historique dans un moment de crise sans précédent. Le président intérimaire Dioncounda Traoré a encore une chance d’améliorer son image en se posant en garant des principes fondamentaux de l’Etat et des valeurs de la société : la démocratie, le respect des libertés, la laïcité, la tolérance religieuse, le caractère sacré des relations pacifiques entre communautés ethniques. Cheick Modibo Diarra ne doit pas confondre son rôle de chef d’un gouvernement de transition avec celui d’un dirigeant chargé de « liquider » l’ancienne classe politique associée au régime d’ATT et de refonder le Mali ».
 

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