Si nous ne votons pas cette loi, ………Les
récriminations actuelles dont nous faisons l’objet de la part de nos concitoyens
n’en seront que davantage renforcées car il s’agit de sauver le Mali.
En effet, les députés sont fortement accusés
par les citoyens de n’avoir rien fait pour éviter que le pays en soit là où il
est en ce moment. Des accusations que rejettent de nombreux députés qui ont le
sentiment d’avoir fait tout ce qu’ils pouvaient faire. En vérité il ne faut pas
se méprendre sur le sens de cette accusation. Dans le type de régime
démocratique que nous avons choisi, le Président de la république et son
gouvernement s’appuient sur une majorité parlementaire pour gouverner et le
bilan de cette gouvernance est leur bilan commun. Il n’est donc pas juste de
jeter la pierre au Président ATT pour être seul responsable de la débâcle au
Nord et de la crise actuelle que vit notre pays. Tel est le sens de ces
accusations. Il ne serait même pas honorable pour l’Assemblée nationale qu’on
fasse porter le chapeau à ATT seul. Notre
institution doit assumer sa part de responsabilité car nous l’avons soutenu et
laissé faire, ce que refusent aujourd’hui beaucoup « d’amis » d’hier
du Président ATT qui doit désormais faire sien ceci : « Dieu, protège moi de mes
amis, mes ennemis, je m’en occupe ».
Nous avons vu venir la débâcle militaire au
Nord, mais qu’a fait l’Assemblée nationale : beaucoup et peu à la fois.
L’Assemblée nationale a beaucoup fait à
travers :
(1) les interpellations, par des députés, de
plusieurs ministres sur la situation sécuritaire dans la pays en général et dans
le Nord en particulier qui devenait chaque jour un peu plus un noman’s land aux
mainx des narcotraficants, des salafistes d’AQMI et la rébellion armée, des
milices privées et toutes sortes de bandits armées;
(2) la mise en place de la Cellule de crise
sur le Nord qui a sillonné les trois régions concernées entre le 07 et le 20
novembre 2011 pour dialoguer avec les militaires rentrés de Libye avec armes et
bagages (y compris les rebelles du MNLA), les notabilités, les autorités
étatiques civiles et militaires, et tous les autres acteurs susceptibles d’aider
à désamorcer la crise qui pointait. Les membres de cette Cellule ont fait un
rapport accablant sur la situation au Nord datée du 22 novembre 2011 contenant
de nombreuses recommandations pour circonscrire la crise à temps parmi
lesquelles : (i) « une réaction immédiate de l’Etat afin de l’étouffer » dans
l’œuf ; (ii) renforcer le dispositif militaire par l’augmentation des effectifs
des unités opérationnelles et par la mise en condition des hommes pour le
maintien de leur morale; (iii) « doter les forces armées de défense et de
sécurité des moyens adéquats leur permettant d’accomplir leur mission » ; etc.
Ce rapport a été remis au Président de la république.
(3) la tenue d’une séance plénière à huis
clos sur la situation au Nord le 18 janvier 2012 avec les ministres en charge de
la défense, de la sécurité intérieure et de l’administration territoriale et la
prise d’une résolution dans laquelle l’Assemblée nationale « invite le
gouvernement à mettre tout en œuvre pour que nos forces armées nationales
assurent pleinement la défense et l’intégrité territoriale en les dotant des
moyens conséquents pour mener à bien leurs missions ».
Résultat de cela « les chiens aboient, la
caravane passe ».
Malgré les actions énumérées ci-dessus,
l’Assemblée nationale a finalement fait peu car elle n’est pas allée au bout de
sa logique. Quand le Président de la république et son
gouvernement n’écoutent pas l’Assemblée nationale sur des questions cruciales
comme l’intégrité territoriale du pays et l’unité nationale que doit-elle
faire ? Elle doit renverser le gouvernement en votant la motion de censure ou
tout au moins en portant le différend sur la place publique pour amener le
peuple à faire pression sur le gouvernement. L’Assemblée nationale n’a
fait ni l’un, ni l’autre. N’aurait été la pugnacité de l’honorable ASSARID que
je salue au passage, même la séance plénière à huis clos n’aurait pas eu lieu
car le gouvernement l’avait rejetée.
Honorables collègues, je peux prendre plusieurs
autres exemples pour illustrer mes propos, mais je vous en fait
l’économie.
Malheureusement, l’Assemblée nationale n’est
pas la seule à n’avoir pas jouer pleinement son rôle ; des ministres eux aussi disaient en privé « le Président de
la république ne nous écoutent pas, une gestion informelle parallèle de l’Etat a
été mise en place » ; le commandement militaire disait : « les chefs des unités
combattantes sur le terrain reçoivent du Président de la République des ordres
contraires aux nôtres ». Et pourtant le Commandement militaire
n’ignorait pas que la règle de base régissant les rapports entre l’autorité
civile (le Président de la république) et une armée républicaine est que la
décision de faire la guerre appartient à la première tandis que sa gestion
stratégique et tactique relève de la responsabilité du Commandement
militaire.
Monsieur Le Président, je peux continuer sur ce
ton pour parler des organisations de la société civile et de toutes les autres
organisations censées jouer un rôle de contrepouvoir pour faire barrage aux
pratiques de mauvaise gouvernance. La triste réalité
est que très peu d’acteurs de la gouvernance ont joué leurs rôles sous la
présidence de ATT. Dans ce sens « An man an djoyoro fa » (nous n’avons pas joué
pleinement nos rôles). Les principales raisons : le règne absolue de l’argent
roi et de la cupidité, la résignation et la lâcheté.
Mais il n’est pas trop tard pour que « an bè ka
an djoyoro fa Mali djolila » (chacun joue pleinement son rôle pour bâtir le
Mali). Aujourd’hui, nous avons l’occasion de le faire pour contribuer à la mise
en place des conditions indispensables au bon fonctionnement des institutions
afin que tous les efforts soient dirigés vers la priorité absolue du moment :
porter toute l’assistance nécessaire à nos frères et sœurs des régions du nord
qui sont victimes d’un désastre humanitaire inqualifiable, restaurer
l’intégrité territoriale et préserver l’unité nationale. Voter ce projet de loi
est un pas important dans cette direction.
Une autre occasion importante se présentera
dans les jours à venir pour que chacun joue pleinement son rôle : le dialogue
national inter-malien pour tracer le profil que nous voulons donner à la
transition. Si les maliens et les maliennes ne font pas cela, ils laisseront
d’autres le faire à leur place. Mais :
- si nous aimons un tant soit peu notre pays,
nous ne pouvons pas laisser d’autres faire à notre place ;
- s’il nous reste encore un minimum de fierté
dans cet océan d’humiliations, nous ne pouvons pas laisser faire ;
- s’il nous reste encore un peu de gratitude
envers ce pays pour tout ce qu’il a fait pour nous (la quasi-totalité des
députés ici présents ont bénéficié de la gratuité totale de l’enseignement,
jusqu’au doctorat pour certains), nous ne pouvons pas laisser faire ;
- si nous avons un tant soit peu le souci de
transmettre aux générations futures un pays digne de ce nom, nous ne pouvons pas
laisser faire ;
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