jeudi 2 août 2012

Mali: Analyse d'un homme politique

Chers compatriotes,
Depuis les événements malheureux du 22 Mars 2012 notre cher Mali a basculé dans un clivage sans précédent, le pays est aujourd’hui divisé comme l’Allemagne au temps de la guerre froide. Les maliens sont aujourd’hui divisés par le  mur du CNDRE qui a cassé l’opinion nationale en deux entre pro et anti putschistes et chacun ce campe dans sa position de tranché.  Chaque camp croit avoir raison. A l’analyse il faut reconnaitre que les  arguments de part et d’autre  ne sont pas toujours faux. Chacun a sa  raison mais la raison du Mali exige une conciliation des deux visions.
Du côté des  pro-putschistes le marasme dans lequel notre pays était plongé sous le régime ATT justifie tout y compris la violation des règles démocratiques sur lesquels nous avons juré en 91. Avouez  que même les démocraties centenaires ne sont pas exemptes des maux que nous reprochons à ATT. Je ne suis pas du tout un défenseur de son régime, mais en tant que malien je reconnais que le pays a bougé sous ATT et qu’il n’a pas été le très mauvais président qu’on veut aujourd’hui lui coller à la peau. Un pays ne se construit pas en un jour.  Je crois qu’en dépit de tout ATT aura été un bon président au regarde de ses réalisations que 23 ans de régime GMT n’ont pas pu nous  construire.  Mon analyse de ce point de vue est qu’une mauvaise République valait mieux que pas d’Etat et la situation actuelle me semble plus  grave que celle que nous vivions sous ATT.
 Il a été certes et je le reconnais  un président  laxiste sous lequel la corruption, la gabegie et le népotisme ont refait surface. On aurait pu changer tout cela autrement en choisissant bien aux prochaines élections les dirigeants que nous élisons.  On aurait donc pu comme d’autres peuples l’ont fait par un sursaut démocratique s’emparer des urnes  pour changer les choses  par notre bulletin de vote. Or le constat est simple, les maliens ne croient plus en rien, ne votent pas et quand des incompétents prennent le pouvoir ils se plaignent ensuite de leur gestion. Si on était sûr que ATT n’avait pas gagné les élections, diable  pourquoi avoir accepté le résultat des urnes ? Et IBK dont on croyait avait gagné les élections aura en ce moment  commis la plus grave erreur politique de sa vie et qui nous aura conduit dans la situation actuelle en acceptant et en demandant au peuple d’accepter ce qu’il savait lui-même était une usurpation. Ce n’est pas aimé son pays que de cautionner sa victoire volée. Alors si le candidat supposé gagnant a accepté lui-même les choses,  avouons qu’il lui manque encore cette carrure de patriote et d’homme d’Etat qui ne fléchit pas devant ce qu’il croit juste.  Nous avons donc tous accepté ATT, alors il aurait fallu le laisser sortir à l’échéance. Et si le coup d’Etat était intervenu le 9 juin parce qu’ATT n’avait pas pu organiser les élections, ou pour mille autres raisons, tout le peuple aurait adulé Sanogo et son groupe et aucun partenaire n’aurait plié bagage. C’est l’inopportunité du coup d’état qui nous a révoltés et c’est la raison pour laquelle nous sommes contre le coup d’Etat qui a été un coup d’Etat de cœur et non de raison. Et voilà pourquoi nous sommes anti putschistes, le dire, l’assumer n’est pas être contre le Mali. 
On dit que c’est Alpha qui a donné le pouvoir à ATT comme si nous étions encore dans une royauté. C’est une erreur de penser que nos votes ne servent à rien sinon on ne construira pas une démocratie dans ce pays, il faudra alors revenir aux règles de l’Empire et designer la famille régnante. Un président sortant peut avoir une préférence parmi les candidats pour milles raisons, mais de là à penser qu’il peut imposer un candidat à tout un peuple sur du faux me semble lui donner un  pouvoir qu’il n’a pas. Pensez-vous que le président Wade voulait de Macky Sall au pouvoir ? Qu’il n’a pas tout essayé ? Mais au finish c’est le peuple sénégalais qui a eu raison. C’est donc la qualité de notre peuple, c’est-à-dire de l’homme, mieux du citoyen malien qui est en cause. Notre inculture générale y est de beaucoup, nous avons un peuple analphabète, non instruit, illettré et cela se ressent partout, dans nos débats, dans nos prises de positions et dans nos logiques de raisonnement.
On accuse les hommes politiques, un débat vraiment bas, parce que nous sommes tous des hommes politiques. C’est exactement le même raisonnement que le respectable feu Maribatrou Diaby tenait en disant que le problème de ce pays c’était  les intellectuels, aujourd’hui on a changé de façon de dire, le problème de ce pays ce ne sont  plus les intellectuels,  mais ce sont les politiciens. Même Feu Maribatrou Diaby avait mieux vu que ceux qui accusent aujourd’hui les politiciens,  parce que Maribatrou avait vu juste mais développait une théorie utopique sur un fondement qui était vrai. La théorie était de diriger un pays sans les intellectuels et avec les têtes noires ! L’utopie était que cela n’était pas possible, c’était donc un raisonnement faux construit pour tromper les gens à le suivre parce que le fondement de sa théorie que  les intellectuels sont le malheur de leur peuple était vrai.  Le problème n’a pas changé, la plaie de nos Etats est et reste toujours l’intelligentsia ce ne sont pas les hommes politiques, parce que  dans sa sémantique originelle l’homme politique est celui qui vit dans la cite et s’occupe des affaires de la cité. Chacun quelque part,  qu’il soit intellectuel ou pas  une tête noire  ou pas s’occupe de quelque chose qui contribue au développement du pays. Cet analphabète qui ramasse les ordures et pousse sa charrette dans la ville contribue à l’assainissement  de la cité, il est un homme politique, cette vendeuse de galette au coin de la rue est un homme politique parce qu’elle comble un besoin, l’accès à l’autosuffisance, ce mécanicien qui répare les voitures de ses clients est un homme politique parce qu’il contribue au développement de sa ville, il paye ses taxes, permet aux autres d’aller sans panne à leur travail et d’attraper quelque part leur pain quotidien. L’Homme politique au vrai sens du terme n’est donc pas à abattre. Je crois que nos compatriotes utilisent surtout le vocable, Homme politique, pour désigner les intellectuels ou pas qui se sont engagés dans des Partis politiques à l’opposé des intellectuels ou pas qui ne sont pas dans des partis politiques. Je crois que s’engager dans un Parti politique pour participer à la construction nationale est un acte de courage et de patriotisme pour un intellectuel. Ce fut le cas de nos illustres devanciers, nos pères de la nation : Modibo Keita, Mamadou Konaté, Jean Marie Koné,  Fili Dabo Sissoko ; Hamadoun Dicko, le Ministre Ousmane BA, Alioune Blondin Beye, Abdoulaye Soumaré etc, tous les hommes et les femmes dont le Mali est fier et se glorifie étaient tous des hommes politiques.  Alors vous allez me dire que le problème de ce pays ce sont les hommes politiques ? Non soyons sérieux, élevons le débat ! Je préfère mieux un homme politique qui me semble un intellectuel engagé qu’à un intellectuel non-engagé qui refuse de venir confronter ses idées de développement avec ses compatriotes dans un cadre organisé pour cela. Ce cadre ce sont les Partis politiques, et si on veut changer un pays il faut commencer par changer la qualité des hommes de nos partis politiques. On ne peut changer la qualité de l’homme politique que si les intellectuels s’engagent dans les Partis politiques.  Vous savez dans un Etat il y a trois grandes forces : les Partis politiques, la Société civile et l’Armée. Seuls les partis dans un régime démocratique concourent à l’expression du suffrage, l’exception malienne des candidatures indépendantes a été une mauvaise option. On le saura plus tard. Un indépendant même s’il est porteur de légitimité n’est pas porteur de projet de développement. Il est indépendant de tout et de rien. Dans les rares cas ou des indépendants sont porteurs de projets de développement ou constituent de véritables alternatives à des politiques  locales, leur projet  manque de cohésion parce que jamais discuté ou partagé avec d’autres. Et si le projet est partagé par d’autres personnes la finalité du groupe a toujours été la création d’un Parti politique. C’est pourquoi le Mali gagnerait à supprimer les candidatures indépendantes ce qui aura pour effet entre autres d’obliger les intellectuels à venir travailler en groupe dans des Partis politiques. Dans l’histoire du monde je n’ai jamais vu si ce n’est en Afrique des indépendants venir à la tête de l’Etat.  Si cette règle avait été respectée ATT n’aurait jamais été président de la République et donc la situation actuelle  jamais ne serait arrivée au Mali.
Quant à la société civile, elle est un groupe de pression pour amener le pouvoir à mieux considérer la situation de groupe sociaux particuliers et un acteur de la société civile ne fait pas de conquête du pouvoir. La société civile est constituée de toutes ces associations ou structures dont l’objectif n’est pas la conquête et l’exercice du pouvoir. On y retrouvera par exemple  le Haut conseil islamique, les syndicats, les associations de défenses des droits de l’homme etc. Dans un Etat démocratique les rôles sont protégés et chacun doit rester dans son cadre. Ainsi un responsable syndical comme Amion Guindo du CSTM ne pourrait parler que des problèmes de son syndicat et pas de la gestion des affaires politiques. Il  n’aurait même pas pu continuer à assumer ses fonctions à la tête de son syndicat s’il n’est plus en activité. Il est à la retraite et juridiquement ne doit pas présider aux destinées d’un syndicat et parler en son nom. Par contre il peut adhérer à un parti politique et de ce fait s’occuper de questions politiques, mais jamais en tant que syndicaliste. Il y a tellement d’incorrections au Mali qu’on oublie des fois tout ce qu’on a appris tellement rien ne ressemble à des modèles connus. Nous sommes atypiques.
Quant à l’Armée la grande muette, elle doit être muette effectivement en ce qui concerne sa participation à l’animation de la vie politique. Elle n’a pas de préférence  entre les hommes politiques que ceux  élus par le peuple souverain Son rôle est de protéger le territoire en garantissant toujours l’existence du pays. L’instinct militaire est de faire la guerre et quand des militaires s’occupent de la politique, ils peuvent parfois face à l’opposition inhérente à l’activité politique prendre les opposants pour des ennemis comme dans une guerre parce qu’on jugera tout ce qui est contraire à sa vision comme un acte de haute trahison si chers aux hommes de Mars. Sanogo et le CNDRE qui ont agi de bonne foi n’ont pas mesuré avant toute la portée de leurs actes. Ils voulaient le changement mais la méthode et la voie choisies n’étaient pas la bonne ni les conseillers qu’ils se sont choisis. Je dis qu’ils étaient de bonne foi parce que après leur forfait ils ont appelé la plupart des hommes politiques pour les aider à mieux faire en oubliant que Maribatrou avait raison, le problème de  ce pays ce n’est pas les politiciens, ce sont les intellectuels. C’est la qualité de l’homme malien qui est à repenser. Si le CNDRE s’était fait conseillé par les Partis politiques les plus représentatifs qui ont reçu une légitimité du peuple et qui recèlent quoi qu’on dise la crème de ce que le Mali a de plus intelligent, peut être que la situation serait autre. Ce sont les intellectuels indépendants qui souffrent la confrontation d’idées qui ne sont dans aucune structure de débat qui me semble être aujourd’hui le problème. Quand ce sont des cercles de réflexion digne de ce nom ils finissent toujours s’ils veulent aller loin à se muer en Parti politique, autant commencer directement par la en menant à l’intérieur de nos formations politiques les débats pour le changement.   
Pour tant de haine contre la CEDEAO ?
C’est le Mali qui était en péril n’eut été la pression de la CEDEAO et de la communauté internationale. C’est nous qui n’avons pas vite compris que si la CEDEAO devait venir que c’était à nos autorités du jour  d’en définir le cadre, nous avons laissé le champ libre pour affirmer là où nous devrions défendre notre souveraineté, c'est-à-dire définir nous même un chronogramme d’intervention de la CEDEAO, un mandat, un effectif et une mission que nous aurions dû soumettre comme base de débat. Mais rien, c’est donc  face à ce vide la CEDEAO à tout pensé à notre place et de bonne foi. Elle est à saluer le courage et l’énergie de ces chefs d’Etat qui payent de leur trésor les réunions qu’ils organisent sur le Mali. Savez-vous que certains politiciens maliens avaient demandé des perdiems à Ouagadougou ! Sachons garder raison, la CEDAO n’a jamais intervenu dans un pays en situation normale et notre coup d’état n’est pas l’œuvre de la CEDAO mais de nous-même. Comme dans la vie courante,  quand notre voisin violente sa femme et que les cris fusent de toute part, on n’a pas besoin de mandat pour intervenir, on vient intercéder parce que c’est humain, parce que c’est une règle non écrite de bon voisinage, parce que les turbulences du voisin peuvent aussi nous affecter. Dans le concert des nations c’est la même logique. Je crois que  notre pays a  tout à gagner en pacifiant ses rapports avec les autres acteurs de la communauté internationale. Le nationalisme primaire pour un pays enclavé peut conduire à l’asphyxie. Houphouët et Senghor qui ont collaboré avec le diable ont pu construire leur pays et atteindre un niveau de développement  que nous envions tous aujourd’hui. Et je crois que  c’est aussi une stratégie que de savoir que quand on n’est pas assez fort pour tenir tête à l’autre il faut en faire son ami jusqu’au jour où. La souveraineté d’une nation ne s’est jamais bâti dans l’histoire sur la pauvreté. Il faut travailler dur avant de réclamer haut et fort sa souveraineté. Tirons les leçons de l’histoire et faisons avancer notre pays, le MaliBA
 
Ousmane BAMBA
Militant ADEMA-PASJ

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