Chers compatriotes,
Depuis
les événements malheureux du 22 Mars 2012 notre cher Mali a basculé
dans un clivage sans précédent, le pays est aujourd’hui divisé comme
l’Allemagne au temps de la guerre froide. Les maliens sont aujourd’hui
divisés par le mur du CNDRE qui a cassé l’opinion
nationale en deux entre pro et anti putschistes et chacun ce campe dans
sa position de tranché. Chaque camp croit avoir raison. A l’analyse il faut reconnaitre que les arguments de part et d’autre ne sont pas toujours faux. Chacun a sa raison mais la raison du Mali exige une conciliation des deux visions.
Du côté des pro-putschistes
le marasme dans lequel notre pays était plongé sous le régime ATT
justifie tout y compris la violation des règles démocratiques sur
lesquels nous avons juré en 91. Avouez que même les
démocraties centenaires ne sont pas exemptes des maux que nous
reprochons à ATT. Je ne suis pas du tout un défenseur de son régime,
mais en tant que malien je reconnais que le pays a bougé sous ATT et
qu’il n’a pas été le très mauvais président qu’on veut aujourd’hui lui
coller à la peau. Un pays ne se construit pas en un jour. Je crois qu’en dépit de tout ATT aura été un bon président au regarde de ses réalisations que 23 ans de régime GMT
n’ont pas pu nous construire. Mon analyse
de ce point de vue est qu’une mauvaise République valait mieux que pas
d’Etat et la situation actuelle me semble plus grave que celle que nous vivions sous ATT.
Il a été certes et je le reconnais un président laxiste
sous lequel la corruption, la gabegie et le népotisme ont refait
surface. On aurait pu changer tout cela autrement en choisissant bien
aux prochaines élections les dirigeants que nous élisons. On aurait donc pu comme d’autres peuples l’ont fait par un sursaut démocratique s’emparer des urnes pour changer les choses par
notre bulletin de vote. Or le constat est simple, les maliens ne
croient plus en rien, ne votent pas et quand des incompétents prennent
le pouvoir ils se plaignent
ensuite de leur gestion. Si on était sûr que ATT n’avait pas gagné les
élections, diable pourquoi avoir accepté le résultat des urnes ? Et IBK dont on croyait avait gagné les élections aura en ce moment commis
la plus grave erreur politique de sa vie et qui nous aura conduit dans
la situation actuelle en acceptant et en demandant au peuple d’accepter
ce qu’il savait lui-même était une usurpation. Ce n’est pas aimé son
pays que de cautionner sa victoire volée. Alors si le candidat supposé
gagnant a accepté lui-même les choses, avouons qu’il lui manque encore cette carrure de patriote et d’homme d’Etat qui ne fléchit pas devant ce qu’il croit juste. Nous
avons donc tous accepté ATT, alors il aurait fallu le laisser sortir à
l’échéance.
Et si le coup d’Etat était intervenu le 9 juin parce qu’ATT n’avait pas
pu organiser les élections, ou pour mille autres raisons, tout le
peuple aurait adulé Sanogo et son groupe et aucun partenaire n’aurait
plié bagage. C’est l’inopportunité du coup d’état qui nous a révoltés et
c’est la raison pour laquelle nous sommes contre le coup d’Etat qui a
été un coup d’Etat de cœur et non de raison. Et voilà pourquoi nous
sommes anti putschistes, le dire, l’assumer n’est pas être contre le
Mali.
On
dit que c’est Alpha qui a donné le pouvoir à ATT comme si nous étions
encore dans une royauté. C’est une erreur de penser que nos votes ne
servent à rien sinon on ne construira pas une démocratie dans ce pays,
il faudra alors revenir aux règles de l’Empire et designer la famille
régnante. Un président sortant peut avoir une préférence parmi les
candidats pour milles raisons, mais de là à penser qu’il peut imposer un
candidat à tout un peuple sur du faux me semble lui donner un pouvoir
qu’il n’a pas. Pensez-vous que le président Wade voulait de Macky Sall
au pouvoir ? Qu’il n’a pas tout essayé ? Mais au finish c’est le peuple
sénégalais qui a eu raison. C’est donc la qualité de notre peuple,
c’est-à-dire de l’homme,
mieux du citoyen malien qui est en cause. Notre inculture générale y
est de beaucoup, nous avons un peuple analphabète, non instruit,
illettré et cela se ressent partout, dans nos débats, dans nos prises de
positions et dans nos logiques de raisonnement.
On
accuse les hommes politiques, un débat vraiment bas, parce que nous
sommes tous des hommes politiques. C’est exactement le même raisonnement
que le respectable feu Maribatrou Diaby tenait en disant que le
problème de ce pays c’était les intellectuels, aujourd’hui on a changé de façon de dire, le problème de ce pays ce ne sont plus les intellectuels, mais ce sont les politiciens. Même Feu Maribatrou Diaby avait mieux vu que ceux qui accusent aujourd’hui les politiciens, parce
que Maribatrou avait vu juste mais développait une théorie utopique sur
un fondement qui était vrai. La théorie était de diriger un pays sans
les
intellectuels et avec les têtes noires ! L’utopie était que cela
n’était pas possible, c’était donc un raisonnement faux construit pour
tromper les gens à le suivre parce que le fondement de sa théorie que les intellectuels sont le malheur de leur peuple était vrai. Le
problème n’a pas changé, la plaie de nos Etats est et reste toujours
l’intelligentsia ce ne sont pas les hommes politiques, parce que dans
sa sémantique originelle l’homme politique est celui qui vit dans la
cite et s’occupe des affaires de la cité. Chacun quelque part, qu’il soit intellectuel ou pas une tête noire ou pas s’occupe de quelque chose qui contribue au développement du
pays. Cet analphabète qui ramasse les ordures et pousse sa charrette dans la ville contribue à l’assainissement de
la cité, il est un homme politique, cette vendeuse de galette au coin
de la rue est un homme politique parce qu’elle comble un besoin, l’accès
à l’autosuffisance, ce mécanicien qui répare les voitures de ses
clients est un homme politique parce qu’il contribue au développement de
sa ville, il paye ses taxes, permet aux autres d’aller sans panne à
leur travail et d’attraper quelque part leur pain quotidien. L’Homme
politique au vrai sens du terme n’est donc pas à abattre. Je crois que
nos compatriotes utilisent surtout le vocable, Homme politique, pour
désigner les intellectuels ou pas qui se sont engagés dans des Partis
politiques à l’opposé des intellectuels ou pas qui ne sont pas dans des
partis politiques. Je crois que s’engager dans un Parti politique pour
participer à la construction nationale est un acte de courage et de
patriotisme pour un intellectuel. Ce fut le cas de nos illustres
devanciers, nos pères de la nation : Modibo Keita, Mamadou Konaté, Jean
Marie Koné, Fili Dabo Sissoko ; Hamadoun Dicko, le
Ministre Ousmane BA, Alioune Blondin Beye, Abdoulaye Soumaré etc, tous
les hommes et les femmes dont le Mali est fier et se glorifie étaient
tous des hommes politiques. Alors vous allez me dire que
le problème de ce pays ce sont les hommes politiques ? Non soyons
sérieux, élevons le débat ! Je préfère mieux un homme politique qui me
semble un intellectuel engagé qu’à un intellectuel non-engagé qui refuse
de venir confronter ses idées de développement avec ses compatriotes
dans un cadre organisé pour cela. Ce cadre ce sont les Partis
politiques, et si on veut changer un pays
il faut commencer par changer la qualité des hommes de nos partis
politiques. On ne peut changer la qualité de l’homme politique que si
les intellectuels s’engagent dans les Partis politiques. Vous
savez dans un Etat il y a trois grandes forces : les Partis politiques,
la Société civile et l’Armée. Seuls les partis dans un régime
démocratique concourent à l’expression du suffrage, l’exception malienne
des candidatures indépendantes a été une mauvaise option. On le saura
plus tard. Un indépendant même s’il est porteur de légitimité n’est pas
porteur de projet de développement. Il est indépendant de tout et de
rien. Dans les rares cas ou des indépendants sont porteurs de projets de
développement ou constituent de véritables alternatives à des
politiques locales, leur projet manque de
cohésion parce que jamais discuté ou partagé avec d’autres. Et si le
projet est partagé par d’autres personnes la finalité du groupe a
toujours été la création d’un Parti politique. C’est pourquoi le Mali
gagnerait à supprimer les candidatures indépendantes ce qui aura pour
effet entre autres d’obliger les intellectuels à venir travailler en
groupe dans des Partis politiques. Dans l’histoire du monde je n’ai
jamais vu si ce n’est en Afrique des indépendants venir à la tête de
l’Etat. Si cette règle avait été respectée ATT n’aurait jamais été président de la République et donc la situation actuelle jamais ne serait arrivée au Mali.
Quant
à la société civile, elle est un groupe de pression pour amener le
pouvoir à mieux considérer la situation de groupe sociaux particuliers
et un acteur de la société civile ne fait pas de conquête du pouvoir. La
société civile est constituée de toutes ces associations ou structures
dont l’objectif n’est pas la conquête et l’exercice du pouvoir. On y
retrouvera par exemple le Haut conseil islamique, les
syndicats, les associations de défenses des droits de l’homme etc. Dans
un Etat démocratique les rôles sont protégés et chacun doit rester dans
son cadre. Ainsi un responsable syndical comme Amion Guindo du CSTM ne
pourrait parler que des problèmes de son syndicat et pas de la gestion
des affaires politiques. Il n’aurait même pas pu continuer
à assumer ses fonctions à la tête de son syndicat s’il n’est plus en
activité. Il est à la retraite et juridiquement ne doit pas présider aux
destinées d’un syndicat et parler en son nom. Par contre il peut
adhérer à un parti politique et de ce fait s’occuper de questions
politiques, mais jamais en tant que syndicaliste. Il y a tellement
d’incorrections au Mali qu’on oublie des fois tout ce qu’on a appris
tellement rien ne ressemble à des modèles connus. Nous sommes atypiques.
Quant
à l’Armée la grande muette, elle doit être muette effectivement en ce
qui concerne sa participation à l’animation de la vie politique. Elle
n’a pas de préférence entre les hommes politiques que ceux élus
par le peuple souverain Son rôle est de protéger le territoire en
garantissant toujours l’existence du pays. L’instinct militaire est de
faire la guerre et quand des militaires s’occupent de la politique, ils
peuvent parfois face à l’opposition inhérente à l’activité politique
prendre les opposants pour des ennemis comme dans une guerre parce qu’on
jugera tout ce qui est contraire à sa vision comme un acte de haute
trahison si chers aux hommes de Mars. Sanogo et le CNDRE qui ont agi de
bonne
foi n’ont pas mesuré avant toute la portée de leurs actes. Ils
voulaient le changement mais la méthode et la voie choisies n’étaient
pas la bonne ni les conseillers qu’ils se sont choisis. Je dis qu’ils
étaient de bonne foi parce que après leur forfait ils ont appelé la
plupart des hommes politiques pour les aider à mieux faire en oubliant
que Maribatrou avait raison, le problème de ce pays ce
n’est pas les politiciens, ce sont les intellectuels. C’est la qualité
de l’homme malien qui est à repenser. Si le CNDRE s’était fait conseillé
par les Partis politiques les plus représentatifs qui ont reçu une
légitimité du peuple et qui recèlent quoi qu’on dise la crème de ce que
le Mali a de plus intelligent, peut être que la situation serait autre.
Ce sont les intellectuels indépendants qui souffrent la confrontation
d’idées qui ne sont dans aucune structure de débat qui me
semble être aujourd’hui le problème. Quand ce sont des cercles de
réflexion digne de ce nom ils finissent toujours s’ils veulent aller
loin à se muer en Parti politique, autant commencer directement par la
en menant à l’intérieur de nos formations politiques les débats pour le
changement.
Pour tant de haine contre la CEDEAO ?
C’est
le Mali qui était en péril n’eut été la pression de la CEDEAO et de la
communauté internationale. C’est nous qui n’avons pas vite compris que
si la CEDEAO devait venir que c’était à nos autorités du jour d’en
définir le cadre, nous avons laissé le champ libre pour affirmer là où
nous devrions défendre notre souveraineté, c'est-à-dire définir nous
même un chronogramme d’intervention de la CEDEAO, un mandat, un effectif
et une mission que nous aurions dû soumettre comme base de débat. Mais
rien, c’est donc face à ce vide la CEDEAO à tout pensé à
notre place et de bonne foi. Elle est à saluer le courage et l’énergie
de ces chefs d’Etat qui payent de leur trésor les réunions qu’ils
organisent sur le Mali. Savez-vous que certains politiciens maliens
avaient demandé des perdiems à Ouagadougou ! Sachons garder raison, la
CEDAO n’a jamais intervenu dans un pays en situation normale et notre
coup d’état n’est pas l’œuvre de la CEDAO mais de nous-même. Comme dans
la vie courante, quand notre voisin violente sa femme et
que les cris fusent de toute part, on n’a pas besoin de mandat pour
intervenir, on vient intercéder parce que c’est humain, parce que c’est
une règle non écrite de bon voisinage, parce que les turbulences du
voisin peuvent aussi nous affecter. Dans le concert des nations c’est la
même logique. Je crois que notre pays a tout
à gagner en pacifiant ses rapports avec les autres acteurs de la
communauté internationale. Le nationalisme primaire pour un pays
enclavé peut conduire à l’asphyxie. Houphouët et Senghor qui ont
collaboré avec le diable ont pu construire leur pays et atteindre un
niveau de développement que nous envions tous aujourd’hui. Et je crois que c’est
aussi une stratégie que de savoir que quand on n’est pas assez fort
pour tenir tête à l’autre il faut en faire son ami jusqu’au jour où. La
souveraineté d’une nation ne s’est jamais bâti dans l’histoire sur la
pauvreté. Il faut travailler dur avant de réclamer haut et fort sa
souveraineté. Tirons les leçons de l’histoire et faisons avancer notre
pays, le MaliBA
Ousmane BAMBA
Militant ADEMA-PASJ
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