La Sarkozie et la politique africaine de la France: ATT, l'indomptable ou l'imprudent?
A Libreville Sarkozy, devant Oumar Bongo, veut incarner la rupture dans
la politique africaine de la France, en affirmant haut et fort qu'il
n'appartient pas à la génération des indépendances africaines et qu'il
n'en a même pas les réseaux pour assurer ce qu'on a l'habitude
d'appeler, la francafrique, c'est à dire les relations aussi
privilégiées que ténébreuses que la France a entretenu (officiellement
et officieusement) avec ses anciennes colonies depuis l'époque de De
Gaule et de son monsieur Afrique, Jacques Foccart.
Il est vrai qu'Ali Bongo n'est pas Oumar Bongo, et Blaise Compaoré ou ADO ne ce sont pas Félix Houphouet Boigny.
Aussi, Henry Guaino (conseiller spécial de Sarkozy et sa plume dans
beaucoup de ses discours notamment celui très controversé de Dakar en
2007) et Claude Guéant, "le meilleur" policier selon Sarkozy, également
son très puissant secrétaire général à l'Elysée (puis ministre de
l'intérieur), le monsieur des missions impossibles (un peu comme James
Bond 007) notamment dans la libération par Khadafi des infirmières
bulgares ou dans la libération de l'espion français, Pierre Camatte, au
nord du Mali par l'Aqmi, aussi influents et efficaces soient-ils, ces
deux lieutenants de Sarkozy, sont loin de la trame de Jacques Foccart.
Mais pourtant, la politique Africaine de la France n'a en réalité connu
aucune rupture sous Sarkozy, car ses grandes lignes ont été préservées.
Les "réseaux" officieux ont continué à être alimentés notamment par le
sulfureux Robert Bourgi, qui a tout appris auprès de Foccart et le
tonitruant Patrick Balkany, maire de Levallois Perret dans le
Haut-De-Seine, copain personnel de Sarkozy.
Les relations privilégiées ont continué à être entretenues avec
notamment Oumar Bongo jusqu'à sa mort qui pouvait se targuer de faire
virer le secrétaire d'état à la coopération du gouvernement Fillon (Jean
Marie Bockel), Denis Sassou-N'Geussou (dont même pas transparency
international ne peut inquiéter sur le sol français), Blaise Compaoré
(le bon élève), et ADO le président ivoirien élu et installé par
l'Elysée, manu militari, et l'homme des jolis contrats pour la France de
Bouygues et Bolloré.
L'adversité contre tout chef d'état francophone qui n'est pas calibré
pour les relations privilégiées a continué notamment avec Gbagbo, Dadis
puis ATT.
Les intérêts français ont toujours été défendus avec vigueur et
détermination que se soit pour le pétrole (pour Total) que pour
l'Uranium (pour Areva) que pour les grands travaux (pour Bouygues et
Bolloré) et les services (Orange, Vivendi, Bnp...) ainsi que le contrats
d'armement et de transport (Dassault et Alstom) notamment en Afrique du
nord.
Dans cette optique, Kadhafi fut reçu à l'Elysée en 2007 avec tous les
honneurs (avec implantation de tentes dans l'hôtel Marigny et convois
impressionnants d'une quarantaine de véhicules dans Paris pour les
visites des hauts lieux de la capitale par le prince du jour) dans
l'espoir de pouvoir signer des contrats juteux d'armements se chiffrant à
des milliards d'euros.
Le guide de la Jamariya a eu l'audace et l'arrogance de ne pas honorer
cet engagement qui était pourtant ferme et a reçu a écorné l'image du
pays "des droits de l'homme" que Rama Yade (alors bouillonnante
secrétaire d'état français aux droits de l'homme) n'a pas manqué de lui
rappeler dans une des formules chocs dont elle a le secret.
Début 2011, la diplomatie Alliot-Marie, au Quai D'Orsay, se trompe
vertement sur la Tunisie et le début des printemps arabes, puisqu'elle
apporte à l'assemblée nationale française, sans complexe, son soutien au
régime Ben Ali et Trabelsi.
Michelle Alliot-Marie, chef de la diplomatie française d'alors, est
elle-même impliquée dans un voyage compromettant à Tabarka en Tunisie,
pour y avoir passer ses vacances de Noël 2010 aux frais des proches de
Ben Ali avec jet privé et tout.
Sale moment de la diplomatie française auprès du monde arabe en ce début
2011 à telle enseigne que c'est Christine Lagarde (l'incarnation même
de la classe et de l'élégance à la française) pourtant ministre de
l'Economie et des Finances à l'époque, qui va faire le déplacement à
Tunis pour tenter le rapprochement avec les tunisiens après la chute de
Ben Ali en lieu et place de Michèle Aliot-Marie.
Alors quand la vague du printemps arabe arrive en Libye, Sarkozy a une
occasion inespérée de faire "la peau" à Kadhafi et lui donner la monnaie
dans sa pièce pour son affront de 2007 tout en redorant le blason de la
diplomatie et du leadership français sur la scène internationale et
prendre de la hauteur, du coup, sur la scène politique interne, en
boostant sa popularité qui était sérieusement entamée avec des records
d'impopularité à cause de la crise qui sévit depuis 2007.
Le philosophe "à la chemise ouverte" (pour reprendre le New York Times),
Bernard Henry Lévy, devient le super VRP de l'Elysée dans le dossier
libyen, il assure les contacts français des membres du CNT, Conseil
National de la Transition en Libye dans son fief de Benghazi, au moyen
d'interminables voyages entre Paris et Benghazi.
Sarkozy, s'active, mais Kadhafi et "ses mercenaires" résistent et même
renversent la vapeur et sont à deux doigts de prendre Benghazi et ses
"rats", l'épicentre de la contestation contre son régime.
In extremis, la diplomatie française arrive à faire voter au conseil de
sécurité de l'Onu, la très controversée résolution 1973, de zones
d'exclusion aérienne en Libye pour que l'Otan empêche les avions du
régime Kadhafi de bombarder les populations libyennes.
La suite est connue.
La plupart des chefs d'état africains francophones soutient la France
dans sa "croisade" (pour reprendre les termes de Claude Guéant) en
Libye, mais pas ATT, pire il ne reconnait pas le CNT comme tous ses
voisins excepté l'Algérie.
ATT devient même très copain avec Jacob Zinc, très remonté contre
Sarkozy dans l'application de la résolution 1973, par l'Otan à tel point
qu'il déclina sèchement l'invitation de Sarkozy dans un sommet sur la
Libye à Paris avec les pays membres du groupe de contact auquel l'Union
Africaine était conviée.
L'agacement à l'Elysée et au Quai d'Orsay est à son comble, surtout
qu'il y a de fâcheux précédents avec le locataire de Koulouba.
Il n'a pas daigné signer avec la France les accords sur l'immigration
choisie (promesse de campagne du candidat Sarkozy en 2007) ni avec Brice
Hortefeux, ni avec Eric Besson, ni avec Claude Guéant, les super
messieurs "chiffres" de la "reconduite à la frontière" des gouvernements
de Sarkozy à la place Beauvau à Paris.
Sur la recherche pétrolière au nord du Mali, Sonatrach (Algérie) et Eni
(Italie) sont en première ligne pour un premier forage d'exploration qui
était prévu en cette année 2012 (recherche et non exploitation, je
précise) autant faire rougir Total (France) de jalousie pour qui connait
le potentiel des 4 bassins sédimentaires repartis en 25 blocs du nord
du Mali dont une partie font l'objet de contrats d'exploration et des
conventions d'exploitation signées par les gouvernements ATT avec des
sociétés multinationales des pays souvent émergents au nez et à la barbe
de Paris et de Total.
Pire, ATT ne veut pas de bases militaires françaises sur le sol malien,
et "ne fait pas assez" dans la lutte contre l'Aqmi qui a déclaré la
guerre à la France à cause de sa campagne en Afghanistan et de sa loi
"anti-burqa" en s'adonnant à des prises d'otages français au Sahel et
qui a transformé facilement le nord du Mali en sanctuaire pour saboter
les intérêts français dans la région.
Paris est réduit, impuissant, à faire des actions sporadiques et
inespérées avec les armées mauritaniennes et nigériennes à chaque prise
d'otages français à cause des accords de coopérations entre ces deux
pays et le Mali qui leur donnaient des droits de poursuite sur leurs
sols respectifs.
Alors comment faire pour dompter, l'indomptable ou l'imprudent ATT ?
Il reste la question Touareg.
Ça tombe bien car la France héberge des touareg du Mnla.
Des contacts sont établis par les fonctionnaires du Quai d'Orsay, discrètement, en France et en Suisse.
Et curieusement des combattants touareg abandonnent Kadhafi et
retournent avec convois impressionnants bourrés d'armes lourdes jusqu'au
Mali.
Rfi et France 24, les redoutables machines de communication du Quai
D'Orsay en Afrique, assurent le service communication du "deal touareg"
où les combattants du Mnla sont soigneusement distingués de l'Aqmi et de
leurs alliés d'Ansar Dine d'Iyad Ag Ghali et de leurs crimes de guerre,
quand bien même qu'ils combattent ensemble la même armée malienne sur
le même territoire sans jamais s'affronter entre eux.
Curieux non!
Et pour le nouveau chef de la diplomatie française, Alain Juppé, "les
rebelles ont eu des succès militaires importants" bien avant la chute de
Tessalit.
Et pour lui, quand il venait voir ATT à Koulouba "il n'y a pas de solution militaire" au conflit du nord du Mali.
Mais après la déroute de l'armée malienne, quand la supériorité d'Ansar
Dine et d'Aqmi sur les forces du Mnla est devenue une évidence, c'est
pourtant la diplomatie française qui alerte sur "le péril islamique" à
l'Onu et apporte son soutien à la CEDEAO pour une éventuelle
intervention militaire au nord du pays tout en activant ses réseaux sous
régionaux en Mauritanie, au Burkina pour donner une chance à la
négociation avec le Mnla et accorder ses violons avec l'Algerie
"partenaire incontournable" dans le dossier du nord du Mali.
Alors, je ne sais pas si c'est de la diplomatie à géométrie variable,
mais "le meilleur d'entre-nous" selon Jacques Chirac, qu'est Alain Juppé
doit nous expliquer comment "il n' y a pas de solution militaire" et en
même temps soutenir une éventuelle intervention de la CEDEAO.
Pour Rfi, la manisfestation des femmes de Kati, et les violences qui ont
suivi dans Bamako pour dénoncer la gestion de la guerre par ATT, "Il
serait très difficile pour ATT de faire face à deux fronts en même
temps" au nord et au sud.
Curieuse annonce, quand on sait que les risques "de nouvelle rébellion
touareg" au nord du Mali ont été annoncés par cette même Rfi depuis
novembre 2011, plus de deux mois avant le début des hostilités le
17/01/2012.
L'ambassadeur de France à Bamako a été parmi les premiers à faire le
déplacement à Kati, après le 22 mars 2012 pour y rencontrer le Capitaine
Sanogo.
Encore une fois curieuse démarche et tout un symbole pour le
représentant d'un pays qui a défendu la démocratie en Côte d'Ivoire à
coup de bombardement d'hélicoptères.
Mes chers amis ainsi fut, la politique africaine de Sarkozy lors de son unique quinquennat, la Sarkosie.
Et devinez depuis le mois de mai dernier où il quitta l'Elysée, quelle est sa première sortie politique?
Il s'est entretenu hier mardi au téléphone avec le président du Conseil
National Syrien, CNS, le principal chef de l'opposition au régime de
Bachar El Assad.
Il trouve de "grandes similitudes" entre le dossier syrien et la Libye
et demande une action rapide de la communauté internationale en Syrie.
Heureusement que nous sommes déjà dans la Hollandie!
Par Kassin
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