« Saàh Kauwssa Ni Malo-yé (À mort que la honte)».
En ces temps où la recherche d’une solution durable à la tragédie préoccupe la majorité des ressortissants de la République du Mali agressée depuis le 17 janvier 2012, il nous parait important d’ouvrir la porte du salut avec la clef de la méditation sur un élément fondamental de la culture malienne :la honte.
Au pays manding, ressentir de la honte est un sentiment très noble, car la honte fertilise la vertu en société. Elle constitue un véritable garde-fou contre les méconduites. La personne qui ne l’éprouve pas est considérée incontestablement comme porteuse des germes de tous les vices. Voilà, pour tout dire, la camisole socioculturelle qu’ont confectionnée les pères fondateurs pour habiller, dans le temps et dans l’espace, les peuples descendants de l’Empire du Mali.
En déclarant la souveraineté du pays au détriment du colonisateur français sur les décombres de la Fédération trahie par des partenaires, le Président Modibo KEITA (1915-1977) l’arborait, dès le 22 septembre 1960, comme devise de la République naissante. Le logotype ainsi consacré, le jour même de la proclamation de l’indépendance, ramenait à la conscience que tous les enfants de l’État nouvellement créé sont légataires universels du rempart socioculturel historiquement édifié durant l’époque impériale pour garantir la paix sociale par la lutte contre l’immoralité et le crime.
Pour être certain que ce précieux héritage ne perdît point de son attrait avec le temps en société malienne, le grand timonier des indépendances africaines en faisait, dans le cadre de sa réforme de l’enseignement en 1962, l’ossature du programme d’instruction civique instauré dans toutes les structures de formation de la jeunesse. À son corps défendant, il considérait comme un impératif que les générations futures fussent porteuses de la vertueuse camisole socioculturelle, de manière à ce qu’elles puissent reconnaître, en toutes circonstances et en tous lieux, les seuils souvent méconnus de la dignité que constituent: l’estime et l’attachement à son origine, la fidélité et la loyauté au groupe d’appartenance et, enfin, la probité envers soi-même, vis-à-vis de son groupe ainsi qu’à l’égard d’autrui.
Quoi de plus naturel, en tant qu’un des héritiers de la devise républicaine pacificatrice, d’amorcer la recherche d’une solution durable à la tragédie qui affecte notre pays, en invitant des concitoyens, apparemment égarés, à se réapproprier instamment ces repaires qui les rendraient accessibles à la honte.
Invitation à se rendre accessible à la honte
Au moment où une partie non négligeable de la population des 2/3 du pays a choisi l’asile (interne ou externe) pour ne pas se soumettre à la tyrannie des agresseurs armés, dès l’instant où tous les enfants du Mali, dignes méritants du legs culturel ancestral, peinent à trouver une solution à la tourmente qui affecte la patrie, il n’est pas inopportun ni désespéré d’inviter des nostalgiques membres du gouvernement et de la mouvance présidentielle d’ATT à la reconnaissance des seuils méconnus de la dignité et aux mérites de la sensibilité à la honte.
Honte tout d’abord d’avoir failli à leurs engagements vis-à-vis du peuple en n’usant pas des moyens constitutionnels mis à leur disposition, pour contrer ATT dans ses manœuvres machiavéliques visant à proroger vaille que vaille son second mandat présidentiel finissant. Se sachant marcher main dans la main depuis une dizaine d’année avec la majorité de la mouvance présidentielle à l’Assemblé nationale dirigée, pas moins de cinq ans jusqu’à sa déchéance le 22 mars 2012, par Djoncounda TRAORÉ, ATT s’était engagé, peu avant l’échéance électorale du 29 avril 2012, dans des intrigues attestant de sa détermination à conserver le pouvoir au-delà de son mandat présidentiel. C’est ainsi que lors du dernier remaniement ministériel qu’il effectua avant sa chute, pensant se mettre à l’abri de tout renversement, il neutralisa le Général Kafougouna KONÉ, un des rares officiers supérieurs respecté par les bérets rouges de Djikoroni, en le maintenant au ministère de l’intérieur, après avoir pris soins de placer à la tête du gouvernement, du ministère de la défense et de la diplomatie malienne des débirentiers lui devant presque tout pour leurs ascensions sociales fulgurantes.
De plus, parfaitement instruit des plans tout aussi machiavéliques de Sarkozy en mal de conserver sa résidence à l’Élysée lors des élections françaises imminentes, pour avoir pris langue avec lui lors de la réunion des« amis de la Libye » qui s’est tenue à Paris le 1er septembre 2011, ATT peaufina, sans crainte d’une quelconque rebuffade de la mouvance présidentielle majoritaire à l’Assemblée nationale, ses manœuvres diaboliques. Aussi, laissa-t-il particulièrement pantois les autorités des États frontaliers, le Niger et la République Démocratique Algérienne notamment, en faisant des représentations, afin qu’elles aménagent un corridor sur leur territoire, permettant aux combattants touaregs lourdement armés venus de Libye d’avoir accès au Mali. Par ces représentations le pandit de la duplicité, à la tête de l’État malien, ne donnait-il pas, pour des raisons inavouées, sa bénédiction pour que ces combattants renouent avec la rébellion qu’il pensait naïvement pouvoir contrôler après sa confiscation du pouvoir réussie? Le 17 janvier 2012, ceux-ci apportèrent, sans ambigüité, une réponse à la question ainsi posée, en plongeant le Mali dans les affres de la guerre, rendant ainsi impossible l’organisation d’une élection présidentielle le 29 avril 2012.
Honte certaine avant tout, car en tant que commettants du peuples, les députés de la mouvance présidentielle et les membres du Gouvernement d’ATT étaient parfaitement instruits du fait que l’avenir du Mali ne pouvait être que ce qu’a été et ce qu’est de nos jours la formation de ses enfants. S’il ne faut surtout pas les rendre exclusivement responsables de la déconfiture de l’école malienne, ils n’ont pas fait que laisser en putréfaction la situation scolaire héritée des régimes de Moussa TRAORÉ (1968-1991) et d’Alpha Oumar KONARÉ (1992-2002). Au contraire, ils aggravèrent la situation, en prenant des mesures législatives favorables à la démultiplication non seulement des écoles privées, mais également des programmes et des méthodes d’enseignement improvisés. N’ayant que du mépris pour l’école malienne qu’ils ont contribué à mettre en lambeau, ils y extirpèrent leurs progénitures qu’ils envoyèrent surtout étudier dans le monde euro-occidental afin de leur épargner l’abîme de la formation scolaire et universitaire au Mali.
Le profond mépris qu’ils cultivèrent ainsi à l’égard de l’organisation scolaire, n’épargna hélas pas le système d’administration de la santé publique que le régime d’inspiration socialiste (1960-1968) du Président Modibo KEITA (1915-1977) a mis tant d’efforts à mettre en place et dont Moussa TRAORÉ, il faut le reconnaître, s’efforça de maintenir dans sa gestion calamiteuse (1968-1991) du pays. Rompant brutalement avec la politique des soins établie puis maintenue par les prédécesseurs, le régime d’Alpha Oumar KONARÉ (1992-2002) et celui d’ATT (2002-2012) conduisirent les établissements de santé publique à la ruine au profit du développement anarchique des cliniques privées. Considérant désormais trop risqué de se faire soigner au Mali, les dignitaires de leur régime et leurs proches, lorsque malades, se faisaient constamment « évacuer » à l’étranger, pour ne pas exposer leur vie aux soins hasardeux caractérisant le fonctionnement des structures de santé issus des réformes de la politique de santé qu’ils ont initiées.
Honte également, pour avoir porté l’avidité et le consumérisme à leurs contestables sommets, en faisant de la République du Mali un des paradis de la corruption ou, pour reprendre l’expression favorite qu’aimait à employer un des Directeur de l’Agence Canadienne de Développement international (ACDI), « le pays le plus corrompu de l’Afrique de l’Ouest ».
Honte ensuite et surtout aux passéistes membres du gouvernement et de la mouvance présidentielle d’ATT car, en ces temps critiques, ils pactisent avec les dirigeants actuels de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dont les plus zélés, Yayi BONI, Blaise COMPAORÉ et Alassane OUATTARA, agissent comme si la République du Mali n’existe plus ou, si elle existe, elle est désormais placée sous leur protectorat.
N’ayant aucune considération pour la volonté du peuple malien qui, dans sa majorité, voyait le 22 mars 2012 comme le début d’une ère sonnant la fin de l’impunité contre la corruption érigée en système d’administration et de gouvernement, ne faisant pas du tout son bonheur, les dirigeants précités de la CEDEAO profitèrent de l’inexpérience politique des membres du CNRDRE pour soustraire à la justice pénale, par des accords dolosifs, des menaces et des prises de positions très hostiles au nom du « retour à l’ordre constitutionnel », tous ceux qui , avec ATT, sont comptables de la situation catastrophique du Mali d’aujourd’hui.
Ce manque de considération a atteint son comble, lorsqu’ils ont, par évocation du droit d’asile, permis à ATT de fuir au Sénégal, faisant ainsi de l’impunité sa parure dans l’indignité d’avoir trahi la Mali. S’ils avaient été moins à l’écoute de ce stipendié et de ses acolytes, ils auraient sans doute été attentifs au désir profond de changement de régime souhaité par une large majorité du peuple. Ils seraient en conséquence, bonne foi oblige, moins méprisants envers lui. Pour sûr, ils seraient plus respectueux du principe républicain, selon lequel le pouvoir légitime émane du consentement des gouvernés. Ils comprendraient donc qu’historiquement, dans les États parlementocratiques et non démocratiques de leurs maîtres euro-occidentaux, toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructrice du bonheur du peuple, celui-ci a le droit de l’abolir et d’établir une nouvelle, en la fondant sur les principes et en l’organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur.
Si seulement si les dirigeants actuels de la CEDEAO avaient convenablement assimilé l’histoire et l’usage de la parlementocratie euro-occidentale que leur dispensa le Président français François MITTERAND (1916-1996) à la « seizième Conférence des Chefs d’État de France et d’Afrique »qui s’est tenue à la Baule du 19 au 21 juin 1990, ils auraient évité, d’une part, de prendre à la place des maliennes et des maliens l’initiative de désigner Président par intérim, le 29 mars 2012 à l’Aéroport d’Abidjan, Dioncouda TRAORÉ qui, la veille à Niamey où il se trouvait, avait exprimé son empressement à remplacer ATT et, d’autre part, en flagrante violation de la Constitution du Mali, d’imposer, le 20 mai 2012 lors d’une réunion subséquente à un endroit cette fois mieux indiqué que l’Aéroport de la capitale économique de la Côte d’Ivoire, la durée du mandat intérimaire de celui qui n’a pas attendu une semaine pour tourner le dos à son complice forcé à la démission en échange du droit d’asile au Sénégal.
La signification brutale et inusitée à Dioncounda TRAORÉ, le 21 mai 2012, du désaccord d’une partie non marginale de la population de ses accointances avec les responsables actuelles de la CEDEAO se comportant comme si le Mali était placé sous leur tutelle, n’aurait eu d’égale que le caractère ignominieux de l’humiliation que ceux-ci infligèrent et infligent toujours aux maliennes et aux maliens, ayant encore fraichement en mémoire la punition collective violente qu’ils administrèrent au peuple tout entier par l’embargo économique, financier et diplomatique du 2 avril 2012.
Cet embargo, jugé inacceptable par les populations amies des États de l’Afrique de l’Ouest, n’a d’ailleurs pas manqué de susciter des questions sur la véritable motivation d’Alassane OUATTARA notamment. Pour sûr, il a fait naître au Mali tout comme au Niger un profond sentiment d’injustice. Dans ce premier pays, il faisait regretter à beaucoup de maliennes et de maliens leur soutien aveugle à Alassane OUATTARA, lors du coup d’État électoral qu’il perpétra contre le régime de Laurent BAGBO avec l’aide des légionnaires français en Côte d’ivoire. À ces regrets, il faut d’ailleurs ajouter une avalanche de critiques virulentes formulées contre lui, pour avoir réservé au Mali un traitement discriminatoire par rapport au Niger où, deux ans plus tôt le 18 février 2010, le Conseil Supérieur pour la Restauration de la Démocratie (CSRD) assumait, par« coup d’État », la rupture avec le bouleversement politique provoqué par le Président Mamadou TANDJA, sans faire encourir au peuple du Niger une quelconque réaction violente de la CEDAO. Se montrant au contraire très conciliant envers le CSRD, l’organisme d’intégration économique régionale avait opiné du bonnet au calendrier dressé par les putschistes de Niamey, fixant à pas moins de 9 mois la durée du processus de « retour à l’ordre constitutionnel ». On se souviendra qu’au Mali, la CEDEAO ne donna même pas dix jours avant d’imposer l’ « embargo total » ou la punition collective.
Comme si ce traitement différentiel n’était pas assez humiliant pour le peuple malien, les dirigeants actuels de la CEDEAO entraînèrent des médias dans une campagne de dénigrement contre l’Armée malienne et le CNRDRE. On connaît à cet égard les propos disgracieux :« coup d’État le plus stupide »de Philippe DESSAIN à son émission « Kiosque »diffusé le dimanche à partir de 11 heures du matin, heure de Montréal, à TV5. Contre toute apparence de vérité, ces affirmations inesthétiques de l’animateur précité de la francophonie, auraient été faites pour accréditer le mensonge selon lequel : « le coup d’État militaire du 22 mars 2012 a accéléré la chute du Nord » du Mali« aux mains des rebelles touareg(s) et des groupes islamistes armés ». Or, on sait aujourd’hui, comme l’atteste le témoignage du Colonel GAMOU envoyé au front pour réduire la fronde des bandes armées, que c’est moins le coup d’État du 22 mars 2012 que la trahison d’ATT doublée de la stupeur causée parmi la population par l’imposition de l’ « embargo total » du 2 avril 2012 contre le Mali qui sont les facteurs explicatifs essentiels du repli tactique des patriotes de l’armée sous équipés et désorganisés à dessein par les régimes d’Alpha Oumar KONARÉ (1992-2002)et d’ATT (2002-2012). Sans ce sous équipement et cette désorganisation prémédités, les braves soldats du Colonel GAMOU ainsi que les autres unités de l’armée malienne, comme au temps où le Capitaine Diby Syllas DIARRA était Commandant à Kidal, auraient relevé le défi, en (dé)montrant, à l’instar de TURAMAGHAN dont la bravoure et le sens de l’honneur ont inspiré l’Hymne du Mali, leur capacité de se mettre « débout sur les remparts (…) résolus de mourir »pour sauvegarder l’intégrité du Territoire-État que nous a légué le Président Modibo KEITA (1915-1977).
L’association de Dioncounda TRAORÉ aux dirigeants actuels de la CEDEAO pour bafouer la Loi fondamentale du Mali est déraisonnable et, partant, impardonnable. Rien ne l’oblige cependant à ne pas faire amende honorable, en se dissociant à tout moment du complot qui continue à se tramercontre le Mali et qu’il ne peut pas ignorer pour avoir été , à Bamako, une des trois personnes aspirant au pouvoir présidentiel (avec Soumaila CISSÉ et Modibo SIDIBÉ) qu’Alain JUPPÉ, alors ministre d’État, ministre des Affaires étrangères et européennes de le France de SARKOZY, a rencontré lors de sa visite au Bénin, au Burkina Faso et au Mali du 24 au 26 février 2012. En Renonçant au rôle que les dirigeants actuels de la CEDEAO lui ont donné dans les intrigues contre le Mali, Djoncounda TRAORÉ se rendra digne porteur de la camisole socioculturelle confectionnée par nos ancêtres pour lutter contre l’immoralité et le crime. Par ce geste, il mettra fin à la récréation politique instaurée par les dirigeants actuels de la CEDEAO, distrayant l’armée, mais aussi et surtout la diplomatie malienne qu’il faut absolument soustraire des mains de Blaise COMPAORÉ et d’Alassane OUATTARA, afin de prendre à bras le corps la question stratégique qui doit nécessairement conduire à la restauration de l’intégrité du territoire malien, grâce à une diplomatie bilatérale dynamique au cœur de laquelle se trouve la République Démocratique Algérienne, l’Afrique du Sud, le Niger et le Tchad d’Idriss DÉBY.
Il faut d’ailleurs saisir ici l’occasion de donner aux lecteurs la signification profonde de l’acharnement des dirigeants actuels de la CEDEAO contre le Capitaine Amadou SANOGO et les patriotes du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’État (CNRDRE). Vivant dans la phobie de voir leurs forces armées trouver inspiration dans l’action du CNRDRE au Mali pour mettre un terme à leur prédisposition à spolier les populations de la jouissance pleine et entière des ressources de leur pays au profit des intérêts étrangers les ayant, avec brutalité, installé au pouvoir, des dirigeant actuels de la CEDEAO entendent se servir largement de la question malienne, on l’a dit en violation de la Constitution du Mali ainsi qu’en contravention des principes au cœur de l’organisme d’intégration économique régionale, pour épouvanter d’éventuels putschistes rêvant de les chasser du pouvoir pour leur servile docilité au desideratum des entreprises et des puissances étrangères. On comprend dès lors, que la haine qu’ils nourrissent à l’égard du CNRDRE au Mali, soit directement proportionnelle à la crainte d’être impitoyablement renvoyé de la présidence acquise autant illégalement qu’illégitimement. C’est sans doute pour conjurer ce sort que certains d’entre eux se sont empressés de s’attribuer, dans la formation de leur gouvernement, le poste de ministre de la Défense.
Honte enfin, aux mélancoliques membres du gouvernement et de la mouvance présidentielle d’ATT qui, en se spécialisant sournoisement autant dans la désinformation que dans l’excitation de l’ardeur des dirigeants actuels de la CEDEAO à vouloir mettre sous tutelle la République du Mali, contre la volonté de la très grande majorité des descendants du pays de Soundiata KEITA, de Soumahoro KANTÉ, d’Askia Mohamed, de Mozon DIARRA, d’El Adj Oumar TALL, de Babemba TRAORÉ, de FIROUN, de Modibo KEITA, de Mamadou KONATÉ, et de tous les Grands bâtisseurs du Mali dont liste exhaustive ne peut être donnée ici, encouragent l’ingérence inconstitutionnelle dans les affaires du Mali. Insensibles à la honte, ils favorisent l’obstination des dirigeants de l’organisme chargé de l’intégration économique ouest africaine, à vouloir prioriser la question politique (« sécuriser la transition »)au détriment de la question stratégique (restaurer l’intégrité du territoire). Dans cette duperie ils font appel, faute de moyens propres, à la France, à l’Union européenne et au Conseil de sécurité des Nations Unies pour cancériser la tragédie malienne par une internationalisation de la crise. La solution à la situation catastrophique actuelle du Mali ne réside cependant pas dans l’internationalisation du conflit qu’il faut absolument éviter dans la recherche d’une solution viable et durable.
Éviter absolument le cancer de l’internationalisation de la crise malienne dans la recherche d’une solution viable et durable
Je ne connais guère de malienne ou de malien qui ne se soit pas senti humilié d’avoir assisté impuissant, en trois jours, à l’usurpation de près des 2/3 de l’espace territorial du pays par des bandes armées, semant la terreur parmi la population. Ce sentiment d’humiliation est d’autant plus profond encore chez des compatriotes, qu’après cinq (5) mois d’usurpation territoriale, des sites historiques du pays sont profanés et détruits par des fanatiques religieux à Tombouctou le 20 juin 2012, comme argument des Ançar Eddine d’Iyad Ag GHALI deux jours après l’amorce, le 18 juin 2012 à Ouagadougou, des négociations avec le Médiateur de la CEDEAO Blaise COMPAORÉ. Ces profanations et destructions abominables ne sont pas que des crimes de guerre. Ils constituent également des atteintes très graves contre la mémoire collective des peuples africains que certains voudraient effacer complètement, pour donner ainsi force probante à l’assertion nihiliste voulant que les peuples africains ne soient pas rentrés dans l’histoire. Ces actes répréhensibles ont évidemment semé autant l’émoi en Afrique que dans le monde entier. Au Mali, pays directement victime, l’exaspération est toujours à son comble. Elle a fait naître dans les cœurs le désespoir et la haine. Des sentiments qui ne sont pas de nature à conduire à une solution raisonnable et durable. Pour arriver à une telle solution, il vaut mieux transcender ces sentiments sur lesquels rien de durable ne peut être construit et s’attacher à bien connaître la nature de la crise au Mali avant de vouloir lui trouver une solution définitive.
La nature de la crise au Mali
La tourmente belliciste qui affecte le Mali, contrairement à ce qu’en disent les dépêches de la presse euro-occidentale ne consiste pas en une guerre interconfessionnelle, en un conflit armé entre sédentaires et nomades, encore moins en une guerre pour l’autodétermination des populations touarègues subissant le colonialisme interne de l’État malien. Des manchettes de la presse écrite ou de la presse audio-visuelle comme par exemple : « Les armes et les hommes en provenance de Libye renforcent la rébellion au Mali », « Intensification des combats au Nord du Mali entre militaires et rebelles touaregs du Mouvement de Libération Nationale de l’Azawad (MNLA)» ou, encore, « Des combattants touareg venus de Libye attisent la violence au Mali », etc. visent à camoufler la vraie nature du conflit armé qui sévit en République du Mali.
Ce qu’il ne faut point oublier, c’est que les nouvelles diffusées dans le monde entier sont essentiellement usinées par « Agence France Presse (AFP) », par« Associated Press », par« Agence Reuter », par« Deutsche Presse Agentur »,par « BBC News » et par« Radio France internationale (RFI) ».Ces agences qui sont essentiellement celles des pays du monde euro-occidental ou des États militarocratiques surarmés de l’ « Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) », disposent des moyens de déploiement impressionnants. Elles ont partout des bureaux et des correspondants régionaux, voire nationaux. À l’âge de l’information continue, elles répètent en boucle et font répéter continuellement, par des médias secondaires, la même nouvelle fabriquée. Aussi arrivent-elles aisément à irradier l’ensemble de la planète Terre, du point de vue des pays de l’OTAN sur une question déterminée. Ce point de vue paraît d’autant plus vraisemblable que les interlocuteurs crédules croient, à force d’affirmations, en la « liberté de la Presse ». Il ne faut donc pas s’étonner que le tapage médiatique sur la crise au Mali soit globalement le point de vue euro-occidental. Il n’y a rien d’étonnant en cela puisque c’est RFI et France 24 qui ont été les premiers à profiter du fait que le porte-parole du MNLA était hébergé en France.
N’en déplaise donc à ces Agences d’information à portée mondiale, la nature de la crise actuelle au Mali ne correspond pas au contenu de leursdépêches. Elle s’inscrit plutôt dans un vaste programme de déstabilisation en cours en Afrique et dont la finalité, à long terme, est la dépossession territoriale des Africains et leur anéantissement démographique par substitution progressive et méthodique de populations.
Ce point de vue que d’aucun s’empresserait de trouver très alarmiste, paraît tellement invraisemblable, intelligence du temps oblige, que l’humanité du troisième millénaire n’est pas celle de la Renaissance où, en effet, les monarchies ouest-européenne pratiquèrent, au détriment des peuples d’Amérique, d’Australie et de la Nouvelle Zélande notamment, le colonialisme radical. Le monde ayant effectivement changé apparemment, les outils du colonialisme ne sont pas forcément ceux du néocolonialisme. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle aux guerres interétatiques se substituent de plus en plus les guerres privées, au fur et à mesure que l’État, concurrencé par les firmes multinationales très influentes, condamnent les Chefs d’État et de gouvernement à la domesticité et les obligent à mettre les moyens de l’État au service des intérêts économiques et financiers du capitalisme rentré dans sa phase de décadence.
Il faut se souvenir précisément que chaque fois que ce capitalisme s’est trouvé en crise, le monde euro-occidental dont il sert essentiellement les intérêts, ne fait pas preuve d’imagination pour trouver une solution. L’aventure belliciste a toujours été la recette favorite pour exclure le concurrent militairement moins armé de l’accès aux ressources. C’est dans ce contexte qu’il faut donner une lecture à la situation au Mali et en Afrique en général dont les richesses font l’objet de convoitises au moins entre trois acteurs principaux : des États de l’Union européenne, les États Unies d’Amérique et la Chine en phase de vassaliser l’économie mondiale et contre laquelle les deux premiers protagonistes, faute de pouvoir l’affronter directement militairement, pour ne pas s’anéantir mutuellement, mènent contre elle une guerre indirecte en Afrique et ailleurs dans le monde, en s’efforçant d’y réduire son influence croissante. C’est dans le cadre de cette réduction que l’établissement d’une base permanente à l’usage des pays de l’OTAN est devenu, pour eux, nécessaire au Nord du Mali, à la fois très riche et très stratégique, d’où ils pourraient accélérer le changement de régime en République Démocratique Algérienne et au Soudan, où ils n’ont pas pu faire souffler le vent du « Printemps arabe »pour emporter l’enthousiasme d’y accommoder l’intérêt chinois.
Victimes des manipulations des services spéciaux euro-occidentaux et, notamment, français, infiltrés à la fois en Libye et au Mali, des combattants touaregs, sans doute à cause de l’indigence en lecture géostratégique, troquèrent leur soutien à KHADAFI contre la transformation du projet colonial français de création de l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS) datant de 1957 en un projet de sécession de l’Azawad en agressant le Mali sous la bannière du MNLA. Devenant ainsi, consciemment ou inconsciemment avec ses complices Ançar Eddine submergeant le mouvement indépendantiste, le bras armé de la nouvelle guerre de l’OTAN et d’AFRICOM pour le contrôle des richesses africaines : la guerre privée!
Cette nouvelle forme de guerre sert en Afrique à Camoufler les forfaitures des entreprises « transétatiques »contre l’intérêt des peuples. Ayant généralement réussi à infiltrer les structures étatiques et les organisations interétatiques, ces entreprises amènent les États sous leurs influences et, partant, les organisations interétatiques à agir en leur lieu et place. Il suffit, pour s’en convaincre de se rappeler le processus d’accession de Mobutu Sese SEKO (1930-1997) au pouvoir au Congo de domination belge sur la dépouille de premier Ministre Patrice LUMUMBA (1925-1961) assassiné et, plus spectaculairement encore, la tentative de recomposition du pouvoir marquant l’arrivée triomphale de Joseph Désiré KABILA (1939-2001) père à Kinshasa à la tête des troupes insurrectionnelles avant son assassinat le 16 janvier 2001. Dans le sillage de ses troupes, tout comme dernièrement en Libye après l’assassinat du Colonel KHADAFI le 20 octobre 2011, suivaient la meute d’entreprises minières euro-occidentales flairant du Nord au Sud toutes les ressources disponibles sur le territoire congolais et libyen et signant des contrats léonins avec les tombeurs de MOBUTU (1930-1997) et du Colonel KHADAFI (1942-2011). À travers ces assassinats, se profile la nouvelle version du « scramble » en Afrique, c'est-à-dire l’invasion des entreprises des États militarocratiques, assumant désormais sans complexe que les ressources des États militairement faibles d’Afrique leurs reviennent de droit et qu’elles peuvent les prendre ou les exploiter comme elles veulent, quand elles veulent et où elles veulent sans avoir à demander la permission de qui que ce soit ou de payer quoi que ce soit en compensation. BOKASSA, J.-B. (1921-1996) l’Empereur déchu de la République Centrafricaine en témoignait avant son assassinat.
Pour ne pas avoir de compte à rendre, les entreprises transétatiques organisent l’accession au pouvoir de leurs hommes de main dans des États africains par la fraude électorale, le cas échéant, par l’intervention armée. C’est en cela précisément que l’on comprend aisément la prolifération des guerres fratricides dont la flamme embrase constamment l’Afrique depuis les indépendances formelles des années 1960. Allumée, entretenue et attisée par des entreprises privées, la permanence de l’incendie belliciste est assurée aussi par la nécessité de rentabiliser le trafic des armes. Des entreprises, peu scrupuleuses, n’hésitent d’ailleurs même plus, à la lumière d’immenses problèmes sociaux qui assaillent une large frange de la population africaine, à susciter des rébellions ou à recourir à des mercenaires, pour ne pas dire des voyous de tous acabits, comme en Sierra Léone et, présentement au Mali, en République Démocratique du Congo et en Centrafrique, pour affaiblir les États africains avec lesquels elles doivent parfois négocier pour avoir accès quasi libre aux ressources tant convoitées. Pour contrer ces guerres privées et notamment celui qui sévit au Mali, la faute politique majeure serait l’internationalisation de la tragédie, car cette internationalisation aboutira à cancériser la crise plutôt qu’à la résoudre. La voie diplomatique bilatérale paraît à cet égard la voie royale.
La voie diplomatique bilatérale pour éviter le cancer de l’internationalisation de la crise au Mali.
À partir du constat que nous venons de faire à l’effet que le conflit armé au Mali rentre dans le cadre des guerres privées, il s’en suit qu’il n’existe aucun colonialisme intérieur oppressant la population touarègue au Mali. Cette population qui n’est d’ailleurs pas homogène, n’est pas l’ennemie du Mali. Dans sa large majorité, y compris la chefferie traditionnelle, il s’agit des personnes qui se sentent parfaitement maliennes. Il faut donc éviter l’amalgame et faire comme si Touaregs et bandes armées au Nord du pays se connaissent. Les bandes du MNLA ne doivent donc pas être assimilées à la population touarègue.
Autrement dit, les membres du MNLA, victimes de la manipulation « sarkhozienne », ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la population touarègue. La proclamation de l’indépendance portée à la connaissance de l’opinion publique par la voix de son porte-parole, Mossa Ag ATTAHER le vendredi 6 avril 2012 à la chaîne de télévision française « France 24 »,est fantaisiste. C’est la raison pour laquelle aucun État ne reconnaît un pays qui s’appellerait Azawad. Même pas la France qui, en dépit du fait qu’elle héberge et donne de la visibilité aux agresseurs armés du Mali, n’a pas osé franchir ce pas. En tout cas, à la satisfaction des maliennes et des maliens, ce sont les complices du MNLA, les Ançar Eddine secondés par le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) qui se sont empressés d’opposer un fait de non-recevoir à la prétention des indépendantistes. Aussi au nom de l’instauration de la Charia, effacèrent-ils radicalement, par confrontation armée le 11 juillet 2012, la présence du MNLA des villes qu’ils occupaient criminellement au Nord du Mali.
Ceci dit, il ne faut surtout pas nier le fait que depuis 1963, lors des sept (7) grandes révoltes touarègues dont la République du Mali aurait pu faire économie, des exactions n’aient pas été commises d’un côté comme de l’autre. On sait, qu’historiquement, la brutalité et la force peuvent avoir une efficacité à court terme. À long terme cependant, elles sont complètement inopérantes. Elles ne peuvent qu’attiser la haine. Or il faut se convaincre,rien de durable ne peut-être construit sur la haine. C’est pourquoi un travail de sensibilisation, c’est à dire un programme de développement de la compréhension mutuelle doit nécessairement être inclus dans la formation des administrateurs et des forces de Défense et de Sécurité au Mali.
Si cela avait été le cas en 1963, le Commandant de Cercle Najim, un Touareg Kel Antsar de Tombouctou, aurait pu dissuader à l’époque ses subordonnées Goumiers de se moquer d’Elladi Ag ALLAH fils d’Allah Ag ELBECHIR que l’occupant français a décapité en 1954. Sans avoir été le seul facteur, on sait aujourd’hui que le ralliement d’Elladi Ag ALLAH, profondément humilié par l’administration malienne, à Zeyd Ag ATTAHER, fils de l’Amenokal écarté arbitrairement de la succession à la chefferie du groupe ethnique d’appartenance, a joué un rôle déterminant dans l’occurrence de cette première rébellion postindépendance.
Pour sûr, pour éteindre la flamme belliciste allumée au Mali le 17 janvier 20012, il ya lieu d’éviter la démultiplication des intervenants dans le conflit. La faute politique majeure serait de laisser libre cours à la diplomatie actuelle des dirigeants de la CEDEAO qui cherche par tous les moyens à cancériser la tragédie malienne par une internalisation de la crise. Si une rupture radicale n’est pas opérée dans ce sens, le conflit sera entretenu par la contradiction des divers intérêts impliqués. Les Maliennes et les Maliens ont donc intérêt de se doter d’une diplomatie dynamique mettant en œuvre des rapports bilatéraux solides qu’ils peuvent évaluer et contrôler plus facilement et qui ne frapperaient point, comme ceux de la CEDEAO, de catalepsie les Forces de défense malienne dans leur mission sacrée.
Au premier rang de cette diplomatie bilatérale se trouve l’Algérie, ayant pas moins de 1 376 kilomètres de frontière avec la Mali au Sahara. Ce pays farouchement opposé à l’établissement d’une base permanente de l’OTAN au Nord du Mali, est depuis des années la cible des terroristes. La crise malienne est devenue pour elle un facteur de déstabilisation qu’elle peut, avec la collaboration du Mali et des gouvernements africains de bonne foi, juguler, pour peu qu’elle ne soit pas entraînée, comme le Mali d’aujourd’hui, dans le gouffre des négociations ou d’interventions multilatérales. Au final, Il ne faut point oublier que c’est en menant au Mali et en Afrique la guerre pour la souveraineté alimentaire, grâce à une politique agropastorale conséquente, que la prévention définitive contre la déstabilisation et les guerres privées pourra être assurée en conjugaison avec une politique de défense crédible.
PAR : Pr DIARRA Bakary N’Badiallah (BONIFACE)
Montréal, Canada
Mohamed Koreissi
Technicien en informatique
Montréal
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Montréal
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