- 1. Qu’est-ce qu’un état d’urgence ?
- 2. Quels sont les principaux éléments constitutifs d’un état d’urgence ?
- 3. Quels sont les principes fondamentaux devant être respectés durant les états d’urgence ?
- 4. Quels sont les droits de l’homme ne pouvant être dérogés, même durant les états d’urgence ?
- 5. Quels pouvoirs spéciaux peuvent être proclamés durant un état d’urgence ?
- 6. Quels mécanismes et approches peuvent aider à prévenir l’abus des pouvoirs octroyés et invoqués durant les états d’urgence ?
- 7. Quelle branche du gouvernement peut déclarer un état d’urgence ?
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1. Qu’est-ce qu’un état d’urgence ?
Un état d’urgence est une réaction juridique temporaire, généralement constituée par une déclaration gouvernementale, faite en réponse à une situation grave et exceptionnelle posant une menace fondamentale à la nation.
La déclaration peut suspendre certaines fonctions du gouvernement, prévenir les citoyens de la nécessité de modifier leur comportement habituel ou autoriser les agences gouvernementales à mettre en œuvre des plans de préparation à l’urgence, ainsi qu’à limiter ou suspendre certains droits de l’homme ou libertés civiles.
Le besoin de déclarer un état d’urgence peut survenir de situations aussi diverses qu’une action armée à l’encontre de l’Etat par des éléments internes ou externes, une catastrophe naturelle, des troubles internes, une épidémie, une crise financière ou économique ou une grève générale.
2. Quels sont les principaux éléments constitutifs d’un état d’urgence ?
Les états d’urgence possèdent deux composantes :
• Un cadre légal consistant en des bases constitutionnelles et législatives, destiné à réglementer l’état d’urgence, et
• Un cadre opérationnel impliquant une structure organisationnelle et des plans stratégiques, destinés à faire face à l’état d’urgence. Bien que distinctes, ces deux composantes doivent être compatibles ; en d’autres termes, le cadre légal doit prendre en compte les exigences opérationnelles, et les exigences opérationnelles doivent respecter le cadre légal, y compris le droit international.
3. Quels sont les principes fondamentaux devant être respectés durant les états d’urgence ?
La Constitution ou la législation d’un pays décrit généralement les circonstances qui peuvent donner lieu à un état d’urgence, identifie les procédures à suivre, et spécifie les limites aux pouvoirs qui peuvent être octroyés et invoqués d’une part et aux droits et libertés qui peuvent être suspendus d’autre part. Bien que chaque pays veuille définir ses propres pratiques, des normes internationales en la matière, prodiguant des standards forts utiles, ont été développées.
Par exemple, d’importants traités internationaux, tels que la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (CEDH) et le Pacte International des Droits Civils et Politiques (PIDCP), stipulent que les Etats doivent respecter les éléments suivants :
• Temporalité. Ceci se réfère à la nature exceptionnelle de la déclaration d’un état d’urgence.
• Menace exceptionnelle. La crise doit présenter une menace réelle, actuelle ou tout au moins un danger imminent à la communauté.
• Déclaration. L’état d’urgence doit être annoncé publiquement ; cela permet d’informer les citoyens de la situation légale et de réduire la possibilité d’un état d’urgence de facto, c’est-à-dire, une situation où l’Etat restreint les droits de l’homme sans officiellement proclamer d’état d’urgence.
• Communication. La notification de toutes les mesures prises doit être faite aux autres Etats ainsi qu’aux organes de contrôle des traités pertinents ; par exemple, si un Etat désire déroger à ses obligations découlant de la CEDH et du PIDCP, il doit informer le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et celui des Nations Unies, de la dérogation, des mesures qu’il prend et des raisons pour lesquelles il les prend, ainsi que la fi n de la dérogation.
• Proportionnalité. Les mesures prises pour faire face à la crise doivent être proportionnelles à la gravité de la situation d’urgence ; ceci s’applique à l’étendue géographique, au contenu matériel et à la durée de la dérogation.
• Légalité. Les restrictions aux droits et libertés fondamentales de l’homme, durant un état d’urgence, doivent respecter les limites établies par les instruments pertinents de droit international et national ; de plus, un état d’urgence n’implique ni une suspension temporaire de l’état de droit, ni une autorisation, pour ceux qui sont au pouvoir, d’agir en
violation du principe de légalité, par lequel ils sont liés en tout temps.
• Intangibilité. Ceci concerne les droits fondamentaux qui ne peuvent être dérogés, même durant les états d’urgence.
4. Quels sont les droits de l’homme ne pouvant être dérogés, même durant les états d’urgence ?
Certains droits de l’homme sont indérogeables, et cela quelles que soient les circonstances. Selon la CEDH et le PIDCP, il s’agit de :
• Droit à la vie ;
• Interdiction de la torture ;
• Interdiction de l’esclavage ;
• Interdiction des législations ex post facto ; autres garanties judiciaires ;
• Droit à être reconnu par la loi ;
• Libertés de pensée, opinion et religion.
Le Comité des Droits de l’Homme a reconnu que, en plus des droits indérogeables contenu dans la liste ci-dessus, il existe plusieurs autres clauses qui ne peuvent être dérogées en aucune circonstance :
• Le droit de toute personne privée de liberté à un traitement humain ;
• Les interdictions de prise d’otage et de détentions arbitraires ;
• La protection des droits des minorités ; L’interdiction de l’incitation à la guerre ou à la haine nationale, raciale ou religieuse ;
• Les garanties procédurales et celles destinées à assurer l’intégrité du système judiciaire.
5. Quels pouvoirs spéciaux peuvent être proclamés durant un état d’urgence ?
Les pouvoirs spéciaux d’urgence sont attribués au gouvernement par vertu de la constitution ou de lois statutaires. Des exemples de mesures ou de pouvoirs d’urgence peuvent largement varier :
• La restriction de la liberté de la presse et l’interdiction des réunions publiques ;
• Le déploiement de forces armées sur le territoire national ;
• L’éviction des lieux d’habitation ou de travail ;
• La fouille de maisons et d’autres lieux privés sans mandat, des arrestations sans charge ;
• La confiscation et / ou la destruction de propriétés privées (avec ou sans compensation) ;
• La réglementation des opérations d’entreprises privées, l’interférence dans les transactions financières et dans les réglementations d’exportation ;
• Les législations spéciales pour punir le non respect des réglementations d’urgence
Dans certains pays, par exemple au Royaume-Uni, des corps judiciaires spéciaux peuvent être constitués durant la situation d’urgence, alors que dans d’autres pays, par exemple en Allemagne, de tels corps judiciaires extraordinaires sont interdits.
Durant un état d’urgence, la responsabilité du gouvernement doit rester entre les mains des autorités civiles, que cela soit au niveau national ou au niveau local. Les forces de sécurité peuvent assister les autorités civiles de manière subsidiaire.
6. Quels mécanismes et approches peuvent aider à prévenir l’abus des pouvoirs octroyés et invoqués durant les états d’urgence ?
Le rôle du parlement
La plupart des systèmes légaux assurent que l’exécutif n’est pas le seul détenteur de l’autorité de déclarer des états d’urgence et prévoient la ratification de la décision de l’exécutif par le parlement, et cela souvent avec un vote qualifié. En règle générale, le gouvernement, contrôlé par le parlement, doit prodiguer une justification bien fondée pour sa décision de déclarer un état d’urgence et pour les mesures spécifiques adoptées pour faire face à la situation. La plupart des parlements possèdent également le pouvoir de contrôler l’état d’urgence, en tant que tel, à des intervalles réguliers et de le suspendre, si nécessaire. Ce rôle parlementaire est particulièrement important dans les cas d’états d’urgence qui perdurent, où le principe de la suprématie civile par rapport au secteur de la sécurité peut être en danger. Quelle que soit la situation, la responsabilité post hoc des pouvoirs du parlement, c’est-à-dire le droit de mener des enquêtes et des investigations sur la mise en œuvre des pouvoirs d’urgence, devrait être garantie par une loi. Ceci est important pour évaluer le comportement du gouvernement et pour identifier les leçons apprises en vue de situations d’urgence futures.
Le rôle du judiciaire
Le système judiciaire doit continuer à assurer le respect du droit à un procès équitable. Il doit également prodiguer un moyen de recours efficace aux individus pour les cas où les responsables gouvernementaux violent leurs droits humains. Afin de prévenir toute violation de droits indérogeables, le droit à un recours de droit sur les questions de la légalité des mesures d’urgence doit être garanti au travers de l’indépendance du judiciaire.
Les tribunaux peuvent jouer un rôle majeur dans les décisions concernant la légalité d’une déclaration d’un état d’urgence ainsi que dans le contrôle de la légalité des mesures spécifiques d’urgence.
Le rôle de la société civile
Une situation d’urgence exerce une pression énorme sur l’Etat et la société. Afin de la gérer de manière efficace, les gouvernements ont besoin de la coopération de leurs citoyens. Tout abus ou limitation non fondée des droits de l’homme dans une telle situation minera cette coopération et rendra la situation d’urgence plus difficile à surmonter. Les Etats possèdent un intérêt vital à gérer les situations d’urgence de manière responsable.
Le rôle des Etats voisins et de la communauté internationale
Les situations d’urgence peuvent aussi affecter les relations d’un Etat avec ses voisins et avoir des implications pour la communauté internationale. Tous les Etats devraient avoir un intérêt à assurer que la déclaration et les mesures d’urgence sont sujettes à certaines limitations et procèdent en respect des normes internationales.
La communauté internationale a besoin de s’engager activement dans l’assurance de ces règles par les gouvernements concernés. En particulier, elle doit travailler de concert avec les gouvernements concernés pour assurer un retour facile à la normalité et la restauration de l’ordre constitutionnel au sein duquel les droits peuvent à nouveau être entièrement assurés.
7. Quelle branche du gouvernement peut déclarer un état d’urgence ?
La plupart des Etats possèdent des mécanismes réglementant la déclaration de l’état d’urgence et la mise en œuvre des dérogations. En ce qui concerne la prérogative de déclarer un état d’urgence, les trois approches les plus courantes sont les suivantes :
• L’exécutif déclare l’état d’urgence et est obligé d’en informer le parlement dans un certain laps de temps ; par exemple, les Etats Unis,
• L’exécutif déclare un état d’urgence, mais celui-ci doit être ratifié par le parlement avant de pouvoir adopter des mesures d’urgence ; par exemple, l’Allemagne,
• Le parlement lui-même déclare l’état d’urgence ; par exemple, la Hongrie. Généralement, les états d’urgence permettent à l’exécutif de nommer des responsables de coordination pour traiter de la situation et pour outrepasser les procédures administratives habituelles relatives à l’adoption de règles administratives.
Tout près de nos frontières on peut retenir que l'état d'urgence a été décrété en Algérie en 1992 afin de prévenir le risque d'une "guerre civile" menée par les intégristes suite à la décision d'invalider les élections. Puis il a été reconduit pour permettre aux autorités gouvernementales aux fins de pouvoir lutter contre les maquisards extrémistes. Puis il a été reconduit pour permettre aux autorités gourvernementales de lutter contre l'AQMI. En fait, les autorités Algériennes ont institué une forme d'Etat d'urgence permanent.
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