Monsieur
le président en exercice de la CEDEAO, Son Excellence Monsieur Alassane Dramane
Ouattara, président de la République de Côte d’Ivoire ;
Monsieur
le médiateur de la CEDEAO, Son Excellence Monsieur Blaise Compaoré, président
du Burkina Faso ;
Monsieur
le co-médiateur de la CEDEAO, Son Excellence Monsieur Goodluck Ebélé Johnatan,
président de la République du Nigeria ;
Monsieur
le président de l’Union Africaine, Son Excellence Thomas Yayi Boni, président
de la République du Bénin ;
Messieurs
les Chefs d’Etat des pays membres de la CEDEAO;
Monsieur
le Président de la Commission de la CEDEAO
Monsieur
le représentant spécial du Secrétaire général des Nations-Unies pour l’Afrique
de l’Ouest ;
Monsieur
le président de la Commission de l’UEMOA
Chers
compatriotes ici présents
Honorables
invités
Le
Collectif des ressortissants du Nord (COREN) vous remercie pour
l'honneur que vous nous faites en nous recevant aujourd’hui en terre africaine
du Burkina Faso pour prendre connaissance de notre vision concernant la crise
qui secoue notre pays.
Le
Collectif des ressortissants du Nord (COREN) salue les
efforts que vous déployez, malgré vos multiples occupations et vos agendas
chargés, pour aider le Mali à trouver une issue heureuse à la crise qu’il
traverse depuis des mois déjà.
A votre attention, nous
rappelons brièvement que le COREN, dans sa forme actuelle, a vu le jour en
1994. C'est un regroupement inclusif des ressortissants des régions de Mopti,
Tombouctou, Gao et Kidal, c'est à dire les zones aujourd'hui occupées par les
assaillants et les terroristes. Le COREN comprend donc toutes les communautés
de ces quatre régions. Le COREN a toujours prôné l'entente entre les
différentes communautés sédentaires et nomades et entre celles-ci et le reste
du pays. Le bureau national du COREN comporte tous les groupes ethniques des régions
concernées.
Excellences
Messieurs les Présidents,
Lors de l’entretien que
le COREN a eu au mois d’Avril avec le ministre des Affaires étrangères du
Burkina, Son Excellence Monsieur Djibril Bassolé, représentant le médiateur de
la CEDEAO, nous avions compris que la CEDEAO considérait le COREN comme acteur
central et incontournable dans la recherche des solutions à la crise. Nous lui
avons dit, sur la base de quelques constats, que le COREN considérait que la
nouvelle rébellion touarègue, avec ses conséquences multiformes, était injuste,
injustifiée et inopportune.
Avec votre permission,
nous rappelons quelques faits au double plan de la gouvernance et des
investissements socioéconomiques.
Au
plan de la gouvernance:
Les régions du Nord
sont abusivement et faussement appelées AZAWAD et les communautés touarègues y
sont très largement minoritaires.
En effet, les résultats
du recensement général de la population et de l'habitat de 2009, indiquent que
tous les nomades confondus ne représentent que 11,61% des régions de
Tombouctou, Gao et Kidal et seulement 0,92% de la population du Mali. Cependant,
du fait de la bonne entente entre communautés, les populations sédentaires ont
toujours accepté que les Touarègues occupent un leadership de premier plan dans
la gestion des structures des collectivités territoriales au niveau des
régions, des cercles et des communes dans le cadre de la décentralisation.
C’est ainsi qu’ils occupent la présidence de trois des quatre Assemblées
régionales (Tombouctou, Gao et Kidal), et la présidence de plusieurs conseils
de cercle. Au plan national, sur les 19 députés du Nord, 8 sont sédentaires et
11 sont d’origine touarègue. Leur représentativité au niveau des Institutions
de la République est réelle et visible souvent au sommet de ces institutions
(Haut Conseil des Collectivités territoriales, Gouvernement, Assemblée nationale, etc.)
En somme, contre les
règles démographiques et démocratiques, les sédentaires majoritaires ont
propulsé les minorités au sommet dans le souci de ménager, protéger et
promouvoir leurs droits et surtout de préserver un tissu social apaisé aux prix
et concessions politiques et de règles régissant la bonne entente gage de la
cohésion sociale.
Au
plan économique
Sur le plan économique
également, rien ne peut justifier une rébellion aux
conséquences dévastatrices tant sur les plans politiques, économiques et
culturels. En effet, l'analyse faite par la
Commission Économique du COREN en février 2012, indique qu'entre 1992 et 2011,
1500 milliards de FCFA ont été investis dans les régions de Tombouctou, Gao et
Kidal dans le cadre de projets et programmes majeurs tels que le Programme
Décennal de Développement des Régions du Nord. Des projets majeurs de
désenclavement et de développement étaient en cours lorsque le MNLA et ses
alliés terroristes ont choisi l'option d'attaquer le Mali: on pourrait citer
entres autres la construction des routes Niono - N'Goma Coura - Lere - Niafunke
- Goundam - Dire - Tombouctou; Gao - Bourem - Anefif - Kidal; le barrage de
Taoussa et l'aménagement hydroagricole y afférent. A cela s’ajoute le fait que
tous les projets de développement d’envergure destinés au Nord sont gérés par
nos ressortissants Touaregs.
Excellences
Messieurs les présidents
Vous comprendrez notre
gêne à relever ces faits dans la mesure où il n’est pas dans notre intention de
stigmatiser nos frères Touarègues. Cet exercice nous est imposé par la désinformation qui circule concernant le
prétendu désengagement de l’Etat des régions du Nord et le supposé ostracisme
qui frappe les communautés touarègues du Mali.
Cet exercice nous est
également imposé par la rupture de confiance entre les communautés suite à
l’agression perpétrée par le MNLA suivie de l’occupation de nos terres par les
terroristes. De par sa violence, son ampleur et ses conséquences tant au Mali
qu’à l’extérieur, la rébellion actuelle dépasse de très loin celles que le Mali
a connues par intermittence depuis 1963.
Le constat aujourd'hui
est que les 2/3 du territoire sont sous occupation poussant nos compatriotes et
nos parents à l’exil par centaines de milliers (on parle de 350.000 Maliens
réfugiés dans les pays voisins). C’est le lieu
pour nous de remercier sincèrement les pays d’accueil. Messieurs les
Présidents de la République du Niger et de la République du Burkina Faso, merci
pour le soutien apporté quotidiennement à nos parents venus se réfugier chez
vous. Merci pour l’hospitalité et le sens du partage, parce que nous savons que
les temps sont durs pour tout le monde.
Le chiffre des
populations déplacées à l’intérieur du pays n’est pas connu mais on peut
estimer à des centaines de milliers de personnes celles qui ont fui leurs
maisons, leur terroir. Les populations restées sur place, sédentaires
majoritairement, sont aujourd’hui les otages des terroristes venus dans le
sillage du MNLA qui dans sa démesure et ces discours naïfs de faux conquérant a
ouvert la boite de pandore aux forces fondamentalistes aux objectifs nous le
savons maintenant barbares et moyenâgeux. Il s’agit notamment d’AQMI, du MUJAO,
d’Ansardine et de Boko Haram. Nos frères et sœurs sont victimes de toutes
sortes d’humiliation et vivent permanemment sous la menace de la mort. Leurs libertés
les plus élémentaires sont confisquées. Nos parents des villes et villages
survivent dans une situation de désastre humanitaire où elles manquent de tout.
C’est aussi le cas de nos frères éleveurs arabo-touarègues
qui subissent un nouvel ordre imposé par des revenants de Libye.
Le constat est la
désolation Excellences Messieurs les Présidents. Les assaillants ont fondu sur
les villes occupées comme des hordes de barbares. Tout le tissu socioéconomique
a été anéanti : infrastructures de santé, école, banques, boutiques,
bâtiments administratifs, pillages des maisons, etc. Les assaillants ont reçu
l’ordre de casser la ville de Gao. Pour des personnes qui affirment avoir pris
les armes à cause du mal développement, le procédé est pour le moins condamnable.
Le constat actuel est que
les régions occupées sont transformées en sanctuaire pour les groupes rebelles
en collusion avec les narcotrafiquants, les fondamentalistes religieux et les
terroristes de tous poils. Il est aujourd’hui établi que des camps d’entraînement
de Djihadistes ont essaimé dans toutes ces régions avec l’objectif bien précis
de former des katibats terroristes et des
kamikazes. En ce moment, ils ne sont qu’une poignée mais si rien n’est fait ils
seront bientôt des milliers avec le risque de voir le Mali transformé en
bastion inexpugnable du terrorisme, phénomène
qui métastaserait sans doute dans tous les pays de la sous-région.
Le constat aujourd’hui
est que nous assistons impuissants à la destruction des mausolées de
Tombouctou, Tombouctou la Mystérieuse, Tombouctou la ville des 333 Saints,
Tombouctou ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les images ont fait
le tour du monde. Nous savons que vous partagez notre tristesse devant cette
barbarie qui nous le craignons ne s’arrêtera pas
si rien n’est fait pour cela.
Le Constat aujourd’hui
est que nous avons assisté à la disparition de toute pratique religieuse autre
que l’Islam dans ces régions occupées. En effet, nos parents, nos frères de
confession chrétienne, après avoir vu la démolition de leurs lieux de
cultes, ont été chassés de chez eux.
Leur tort, leur seul tort, c’est de ne pas être musulman. Or, le mot musulman
signifie littéralement celui qui croit en Dieu.
Le Constat est
qu’aujourd’hui les femmes sont brimées dans leur intégrité physique et morale.
Nos sœurs, épouses, mères sont obligées de porter le voile sous peine d’être
soumises à des séances publiques de flagellation. Nos sœurs, épouses, mamans
sont transformées en objet sexuel à cause des viols multiples et répétés. Les
bourreaux du jour se servent du viol comme
arme de guerre, comme arme de destructions psychologique et
physiologique. Les viols se font souvent en plein jour. Les violeurs poussent
souvent le sadisme jusqu’à imposer aux chefs de famille, aux époux, d’assister
au drame sous la menace de leurs armes.
Le constat aujourd’hui
est que la mort tourne au-dessus de la tête de chacun de nos parents restés sur
place. Le cas le plus récent est l’assassinat du conseiller municipal Idrissa
Oumarou Maïga de Gao. Il a été abattu froidement le lundi 25 juin de trois
balles à cause de sa moto qu’il ne voulait pas laisser aux bandits.
Le constat aujourd’hui
est que les jeunes sont privés de leurs activités de divertissement :
impossible pour eux de taper dans un ballon sous peine de se faire taper
dessus ; impossible de regarder la télévision sous peine de recevoir une
pluie de coups ; impossible de se promener le soir.
Et puis n’ayons pas
peur de le dire, les populations restées dans les régions occupées sont victimes
de racisme. Oui Excellences Messieurs les Présidents, nous sommes victimes de
racismes de la part des occupants. En effet, il est interdit aux noirs
sédentaires de rouler dans leur voiture personnelle sous peine de se la voir
retirer ; tout comme il leur est impossible de se servir de leur moto pour
les mêmes raisons. Quelles que soient les distances à parcourir, les
populations sont obligées de marcher à pieds. Nous parlons de racisme parce que
nous savons que ces pratiques n’ont pas court dans leur ville ou villages
d’origine.
Excellences
Messieurs les Présidents ;
Parallèlement à ce
tableau pour le moins sombre mais tristement vrai, d’autres drames se sont
installés comme le choléra. Le choléra a déjà tué à Gao et à Ansongo. Il met en
danger, directement ou indirectement,
toutes les populations riveraines du fleuve Niger.
Nos craintes vont à
l’endroit du monde agro-pastoral. En effet, l’hivernage s’installe jour après
jour et nos cultivateurs ne disposent d’aucune semence pour cultiver. Même
s’ils avaient des semences, ils ne pourraient les cultiver parce qu’ils ne sont
pas libres et parce qu’ils ne prendront pas le risque de voir le fruit de leur
travail confisqué par les terroristes.
Que dire des éleveurs
qui voient leur bétail décimé par des voleurs ou qui sont dans l’impossibilité
de satisfaire à la nécessité d’effectuer la transhumance ?
Excellences
Messieurs les Présidents
Nous sommes venus à
vous, répondre à votre invitation. Nous sommes venus vous exposer notre vision
de la crise, nos craintes de sa perduration et nos propositions.
Nous saluons la
médiation en cours par l’entremise de la CEDEAO. Mais nous faisons le constat
en tant que victimes que le bout du long tunnel dans lequel nous avons été
projetés semble encore loin. Nous suivons avec beaucoup d’intérêt les
méritoires efforts déployés par le médiateur pour rencontrer les différents
protagonistes. Force est de constater qu’il n’y a pas eu d’avancées notables.
Pour nous, la
négociation est incontournable pour sortir de la crise. Encore faudrait-il
savoir avec qui négocier ; négocier quoi ; quand négocier ?
Pour nous, l’intégrité
du territoire n’est pas négociable. Pour nous, la forme républicaine n’est pas
négociable. Pour nous, la laïcité de la République du Mali n’est pas
négociable.
La question de faire la
guerre ou pas pour libérer les régions occupées est au centre de la médiation.
Nous constatons que malgré la disponibilité de la CEDEAO à appuyer notre pays,
à aider notre armée, malheureusement les autorités de la Transition ne semblent
pas mesurer l’ampleur et l’urgence de la mission. Sans être des va-t-en-guerre,
nous estimons que quel que soit le bout par lequel on appréhende la crise au
Mali, la guerre aux envahisseurs semble une
solution incontournable. Ne serait-ce que pour bouter hors de nos frontières
les différents groupes terroristes.
Au moment où nous vous
parlons, le gouvernement malien n’a posé aucun acte concret allant dans le sens
de la résolution de la crise. Nous avons rencontré le Premier ministre le 7
mai, puis son ministre de la Communication le 29 mai, pour leur apporter les
messages de détresse des populations et le sentiment d’abandon. Nous venons de
tenir un sit-in le mercredi 4 juillet pour exiger du gouvernement qu’il affiche
sa volonté politique de résoudre la crise et qu’il prenne des initiatives sur
le terrain militaire. Nous devons vous avouer que nous n’avons pas l’impression
d’avoir été entendus dans la mesure où même nos demandes d’audiences sont
refusées.
Face à l’immobilisme du
gouvernement de Transition, les populations se sentant abandonnées
s’organisent. C’est ainsi que les jeunes des villes occupées ont monté des
brigades de surveillance. Ce sont ces mêmes jeunes qui résistent devant la
fréquence des humiliations et des exactions.
Il y a également des
dizaines de jeunes volontaires qui n’attendent qu’un peu de soutien pour aller
libérer leurs terres.
C’est pour cette raison
que, face à l’inaction du gouvernement malien, le Collectif des ressortissants
du Nord demande solennellement à la CEDEAO d’intervenir militairement pour
libérer les régions occupées.
Le Collectif des
ressortissants du Nord (COREN) demande avec insistance au gouvernement Malien
de faire parvenir sa lettre de requête à la CEDEAO et à l’ONU sans délai pour
nous venir en aide.
Nous convenons que la
crise au Nord a été rendue complexe par l’effondrement institutionnel du
pouvoir central à Bamako. Le gouvernement de Transition mis en place grâce à la
médiation de la CEDEAO souffre d’un manque de légitimité et d’un déficit de
crédibilité relevés tant par les Maliens que par les amis du Mali qui
travaillent inlassablement à une sortie de crise. Pour cette raison, nous
pensons, que le Mali a besoin aujourd’hui d’un gouvernement d’union nationale
regroupant toutes les sensibilités. C’est la seule façon de redonner aux
autorités civiles les moyens de décider sans peur, de rétablir la sécurité, de
restructurer l'appareil militaire et de relancer l'activité économique.
Mais avant la formation
de ce gouvernement, il faudrait élaborer une feuille de route claire assortie
d’un chronogramme de réalisation et des moyens à mobiliser. Les objectifs sont
connus : recouvrer l’intégrité territoriale et organiser des élections
transparentes et crédibles.
Merci
Excellences Messieurs les Président pour votre aimable attention
Ouagadougou
le 07 Juillet 2012
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