vendredi 2 mars 2012
DECLARATION D’INTELLECTUELS, HOMMES ET FEMMES DE CULTURE SUR LA REBELLION AU NORD DU MALI
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ETAT DES LIEUX
Comment comprendre la rébellion armée qui, aujourd’hui, endeuille le Mali et
condamne des dizaines de milliers d’innocentes et d’innocents à l’insécurité et au
déplacement forcé, lorsqu’on ne veut pas s’en tenir au schéma réducteur du conflit
ethnique ?
La rébellion qui a débuté le 17 janvier 2012 crée dans notre pays une situation de
guerre civile.
L’heure est grave : l’intégrité du territoire national et la cohésion sociale sont
aujourd’hui menacées.
L’honnêteté intellectuelle et la rigueur qu’exige la gravité de la situation actuelle
du Mali imposent de lire cette rébellion à la lumière du système mondial et de ses
crises.
Les réformes structurelles mises en oeuvre à partir de la décennie 80 en vue de
corriger les dysfonctionnements du modèle néolibéral, n’ont pas atteint les
objectifs visés en termes d’amélioration des conditions de vie des
populations, notamment l’accès à l’alimentation, l’eau, l’éducation, la santé et
l’énergie domestique. Ce constat, qui est valable pour l’ensemble du pays, revêt
des conséquences particulières au Nord.
ENJEUX
Le Nord Mali se caractérise par l’extrême complexité des enjeux géopolitiques,
économiques et stratégiques, sans la compréhension desquels aucune paix
durable n’y est envisageable.
Le septentrion malien a souvent été le théâtre de soulèvements d’une partie de la
population qui revendique son autonomie par la voie des armes. Tous les régimes,
coloniaux et postcoloniaux, ont été confrontés à cette situation. De l’indépendance
à ce jour, les réponses de l’Etat, qui ont été à la fois militaires, politiques et socioéconomiques,
n’ont pas pu y instaurer la paix sur une base durable.
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La mauvaise gestion, le clientélisme et la corruption que l’on relève dans la
gestion des affaires publiques exacerbent les frustrations et le sentiment
d’exclusion à l’échelle du pays, sans pour autant justifier la violence armée dans
les autres régions.
Par ailleurs, la manière de gérer la libération des otages occidentaux a conforté
AQMI dans la création au Mali d’un sanctuaire en liaison avec le terrorisme
international.
Nous sommes dans un processus programmé de désintégration de l’Etat et de
cristallisation des identités ethniques et régionales. De ce point de vue, nous
questionnons même la genèse de l’appellation « régions du Nord ».
N’y a-t-il pas une volonté d’affaiblir des Etats de la CEDEAO et l’Organisation ellemême
?
N’allons-nous pas vers une résurgence du vieux projet de l’Organisation Commune
des Régions Sahariennes (OCRS) ?
Après le découpage du Soudan, nous sommes en droit de nous interroger sur
l’intention des pays de l’OTAN de procéder à une nouvelle balkanisation de
l’Afrique. Ne sommes-nous pas de fait en présence d’un processus de dépossession
des ressources agricoles et minières africaines, qui constituent aujourd’hui une
partie importante des réserves mondiales pour la relance de la croissance
économique globale ?
De l’approche globale que nous privilégions, il ressort que l’issue à cette guerre
fratricide récurrente n’est ni militaire ni financière mais politique, économique,
sociale, culturelle et diplomatique.
Face à cette situation :
Nous, intellectuels, hommes et femmes de culture du Mali, signataires de ce
document, déclarons que :
- L’intégrité du territoire, l’unité nationale et la cohésion sociale du Mali sont
des acquis sacrés ;
- Le septentrion n’est pas une planète à part, mais bel et bien une région du
Mali, particulièrement vulnérable, qui n’en a pas moins subi les politiques
néolibérales qui ont aggravé les inégalités, les injustices, la corruption et
l’impunité. De Kayes à Kidal, les Maliens paient cher pour le dépérissement
de l’Etat que nous voulons plus responsable, comptable et souverain ;
- La Paix véritable et durable dans le Nord de notre pays et sur l’ensemble du
territoire, est au prix d’une nouvelle compréhension de la situation du Mali
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et de la bande Sahélo-Saharienne qui intègre les enjeux sous-régionaux et
mondiaux;
- Nous réfutons le discours réducteur de la guerre ethnique ;
- Nous déplorons le déficit de communication et de dialogue sur les causes
internes et externes des questions majeures qui engagent le destin de la
nation ;
- Nous condamnons le recours à la violence armée comme mode de
revendication dans un contexte démocratique et déplorons les pertes en vies
humaines ;
- Nous condamnons avec énergie les agressions physiques, la destruction des
biens et la stigmatisation de nos compatriotes Kel-Tamasheq et de peau
blanche, nos frères et soeurs, alliés et voisins de quartier, de ville qui aiment
et se reconnaissent dans le Mali, leur patrie, notre patrie commune à tous ;
- Nous soutenons résolument nos forces armées et de sécurité dans leur
mission sacrée de défense du territoire national ;
- Nous sommes Un Seul et Même Peuple, uni par une longue histoire
multiséculaire de rencontres, de brassages et de résistances à l’adversité ;
- La paix s’impose d’autant plus que les femmes et les enfants sont pris dans
l’étau d’un conflit qui n’est pas le leur ;
- Les élections de 2012 sont donc une occasion historique de renouveler la
réflexion sur un projet de société adapté à nos réalités, davantage fondé sur
la culture de l’être et des relations humaines, à même de garantir la
prospérité, la paix, la stabilité et la sécurité pour tous.
Nous, signataires de la présente Déclaration, présentons nos condoléances les
plus attristées aux familles des victimes et à toute la nation malienne. Nous
exprimons notre solidarité à toutes les familles déplacées et victimes de
violences.
Bamako le 07 février 2012
Signataires
- Aminata Dramane TRAORE, Essayiste
- Abdoulaye NIANG, Socio-Economiste
- Adama SAMASSEKOU, Linguiste
- Filifing SAKO, Anthropologue
- Hamidou MAGASSA, Socio-Economiste
- Ismaïl DIABATE, Artiste-Peintre
- Jean-Bosco KONARE, Historien
- Mohamédou DICKO, Historien
- Mariam KANAKOMO, Communicatrice
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- Ousmane TRAORE, Administrateur civil, Juriste
- Doumbi FAKOLY, Ecrivain
- Kaourou DOUCOURE, Universitaire
- Abderhaman SOTBAR, Professeur
- Cheick PLEAH, Professeur
- Mohamed COULIBALY, Ingénieur
- Soumaïla Bayni TRAORE, Administrateur Civil
- Mamani Abba SAMASSEKOU, Journaliste/Animateur
- Abdoul MADJIDOU HASSAN, Gestionnaire
- Mahamadou H. DIALLO, Imam
- Boubacar COULIBALY, Gestionnaire
- Mme SISSOKO Safi SY, CAHBA
- Mme TOURE Alzouharata, Gestionnaire
- Mme Awa MEITE VAN TIL, Designer
- Dr Daba COULIBALY, Enseignant-Chercheur
NB: la liste reste ouverte.
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