lundi 24 décembre 2012

LIBERATION DU NORD PAR LA FORCE Et si le Mali y allait seul (ou presque) ?


La négociation pour libérer les régions occupées de notre pays constitue une des voies principales à explorer par toutes les bonnes volontés même si elle demeure décriée par une partie importante de l’opinion publique malienne. Cela a été régulièrement dit. Cependant, l’action militaire sera indispensable pour devancer, accompagner ou compléter les négociations, car l’agenda d’une partie des forces occupantes n’est pas compatible avec celui d’un Etat organisé. L’action militaire a également un caractère dissuasif indéniable comme on l’a vu avec le soudain engagement de certains groupes armés pour la négociation grâce essentiellement au déploiement annoncé de troupes sur le terrain. Nous savons tous que la paix dans une grande partie du monde est due à la dissuasion militaire des uns et des autres. Enfin, l’action et la présence militaire du Mali au Nord du pays favorisent l’Etat et le mettent en position de force pendant les négociations. C’est pourquoi, les maliens, généralement réticents à la présence de militaires étrangers sur notre sol, ont fini par accepter cette idée avec l’assurance que l’essentiel des actions militaires soient conduites par notre armée et nos forces de sécurité. Nous avons ainsi, encouragé nos autorités à s’inscrire dans le processus long et lent d’un engagement international pour nous aider militairement à faire face aux défis qui nous ont été imposés. Nous avons produit des communiqués, nous avons organisé des meetings, nous avons participé à des marches (exemple du samedi 8 décembre) pour demander à la communauté internationale de nous accompagner sur le terrain militaire parallèlement à toutes les initiatives diplomatiques encours. Malheureusement, après des débuts prometteurs, nous commençons à percevoir ici ou là, des signes contradictoires en ce qui concerne l’engagement militaire auprès du Mali. Quand nous applaudissons le discours volontariste des uns, nous déplorons les présentations et autres rapports prudents voir décourageants des autres. Encore une fois, le Mali se trouve balloté entre les mains étrangères, dépendant du bon vouloir des uns et des autres nous confirmant de plus en plus que notre destin, n’est plus nôtre ! 
Le Mali se doit de réagir en prenant des initiatives diplomatiques certes, mais également militaires. D’autres l’ont fait avant nous et de nombreux pays continueront à le faire car il y va souvent de leur sécurité à long terme et même de leur avenir. Près de nous, le  Rwanda, malgré les résolutions des nations unies et l’engagement des opérations internationales de maintient de paix à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), n’hésite pas à s’engager militairement, directement ou à travers des groupes armés, pour anéantir les menaces qu’il perçoit et qui sont essentiellement le fait des ex forces armées rwandaises et des anciens miliciens interamwés. On peut citer, l’exemple d’Israël qui fait peu de cas du contexte international quand il s’agit de ce qu’il estime relever de sa sécurité, ou encore de  l’Ethiopie qui s’est engagé en Somalie sans rien demander à qui que ce soit. Pour ce qui nous concerne, nous avons plus de légitimité et sans doute le droit international de notre côté car il s’agit pour un pays souverain de recouvrer son intégrité territoriale à la suite d’une agression, suivie d’une occupation. La prise d’initiative militaire pour le Mali ne sera en rien contradictoire avec le processus encours au niveau des nations unies. Au contraire, elle va accélérer ce processus. Nous devons le savoir et nous organiser dans ce sens si nous voulons éviter à ce pays et à nos parents du Nord la perpétuation des souffrances indicibles qu’ils supportent depuis trop longtemps maintenant.
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La question véritable qui se pose, dès que nous intégrons la nécessité pour notre pays d’agir militairement, est la capacité de nos forces armées à faire le travail et la manière dont elles pourraient s’y prendre. 
Nous pourrons y arriver si nous arrivons à poser de manière correcte les équations adéquates pour gérer tous les préalables indispensables à une action armée efficace d’une part, et déterminer de manière précise les objectifs et le mode opératoire de ce qui est possible, compte tenu de l’état de nos forces actuelles d’autre part. 
La gestion rigoureuse des préalables incontournables 
En prenant comme hypothèse un engagement armé sur le premier semestre 2013, la question des préalables doit être résolue d’ici la fin du mois de janvier. Elle nécessitera une diplomatie sur plusieurs fronts et de manière intensive mais également la mobilisation totale de nos autorités et de l’ensemble des forces vives nationales durant cette phase. 
Le dispositif militaire et le mode opératoire des forces armées et de sécurité maliennes avec leurs partenaires doivent s’inscrire en tout point dans le concept d’opération adopté avec la communauté internationale, afin que le déploiement des troupes étrangères ne soit en rien contrarié par notre avancée sur le terrain. Il s’agira pour nous d’anticiper sur la mise en œuvre du module relatif à la composante nationale et d’accélérer ce déploiement et cet emploi de forces pour accélérer l’engagement du second module. 
Il est impératif que nous obtenions le soutien du Niger et de la France au moins par l’engagement de troupes et d’armes au sol (Niger) et un soutien logistique, en équipement ainsi qu’en ressources financières (France). Si on peut également obtenir la couverture aérienne pour la France (les drones et surtout les hélicoptères de combat Gazelle qui ont été très efficaces en Côte d’Ivoire), cela sera très appréciable. A ce titre, les visites du Président et du Premier Ministre au Niger et en France sont des signes positifs. Nous devons également négocier et obtenir des pays voisins ou amis tout soutien possible et engageable immédiatement (carburant et couverture aérienne du Nigeria, forces spéciales d’autres pays) pour constituer des appoints militaires de taille et immédiatement disponibles en vue des opérations à venir. L’Allemagne pourra également aider. 
Les préparations militaires et surtout logistiques seront stratégiques pour la réussite de l’opération. Il nous faut nous assurer de la disponibilité de carburants, de vivres et de munitions pour environ 5000 combattants pendant au moins trois mois. Par exemple, il faut quotidiennement 250 cartouches pour un fantassin en campagne, ce qui fait environ 22 500 pour cette période et pour un seul homme ! Sur le plan logistique notamment, nous devons avoir suffisamment de capacités de franchissement du fleuve avec la couverture aérienne associée pour la partie de l’armée devant traverser le fleuve quelque part entre Gossi et GAO. 
Pour le support des opérations, nous devons mettre en place trois grandes bases logistiques (Niono, Sevaré et frontières Nigériennes) et quelques bases secondaires d’approvisionnement correctement ravitaillées mais également suffisamment protégées pour servir de support aux troupes en action. 
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Le budget minimal pour cette campagne des forces armées et de sécurité peut être estimé entre 35 à 40 milliards de FCFA sur six mois. La mobilisation de ces moyens nécessitera la fourniture d’efforts conséquents pour l’Etat et ses amis mais aussi et surtout pour tous les maliens. L’engagement citoyen du malien est la clé du dispositif. Il est indispensable d’obtenir un soutien populaire pour cette opération, au-delà des slogans et des envolées lyriques. Il est impérieux d’établir une unité nationale sans faille pour la cause. Cela nécessitera l’engagement de vastes campagnes de communication et sensibilisation pour que tous les maliens se sentent en Guerre. Il est souhaitable que toutes les manifestations publiques soient mises entre parenthèse de même que les réjouissances publiques (cérémonies sociales dans la sobriété, lieux de réjouissances tenant compte du contexte particulier,…). Tous les lieux de regroupement humain doivent se mettre au diapason de la guerre par la sensibilisation, le recueillement, l’éveil de l’esprit patriotique. Nous devons mettre à contribution les écoles, les universités, les entreprises, les services publics avec partout les mêmes messages, les mêmes attitudes pour obtenir les mêmes engagements. L’implication des leaders traditionnels, les autorités religieuses, des élus locaux et de toutes les forces vives doit être réelle pour obtenir des résultats. La mobilisation des maliens doit être réelle pour donner à la futur campagne l’onction indispensable à sa réussite. C’est cela qui permettra aux maliens de se préparer psychologiquement à une campagne dure, meurtrière et les amener à accepter les pertes civiles et militaires que cela induira forcement. C’est également cela qui facilitera le lancement d’une grande souscription nationale pour le soutien aux forces armées et de sécurité en vue de collectes des fonds et des dons de toutes sortes pour l’armée en campagne. Cette collecte doit pouvoir dégager au moins 20 milliards de FCFA sur le premier semestre 2013. L’Etat peut aussi envisager la levée d’un impôt spécifique, adapté et facile à collecter pour compléter les moyens nécessaires à la campagne. 
L’avant dernier préalable à mettre en place est d’obtenir au moins la neutralité des groupes du MNLA et d’Ansardine dans la confrontation armée, ou si possible leur engagement à aider les forces armées en action (guidage, renseignements…) pendant toute la durée des opérations. Cela soulagera beaucoup les forces engagées pour le Mali. 
Enfin il est nécessaire que la Mauritanie s’engage à sécuriser ses frontières avec un minimum de couverture aérienne si possible pour débusquer d’éventuels groupes armés qui s’isoleraient dans la foret du Ouagadou pendant les combats pour anéantir les menaces sur le sahel occidental pendant les opérations au Nord. 
Si le Mali, appuyé par ses amis et la CEDEAO si possible, obtient que ces préalables soient réunis, une grande partie du succès des opérations sera assurée avant le démarrage de la phase militaire proprement dite. 
Un engagement précis, massif vers des objectifs raisonnables 
L’engagement armé doit avoir comme objectif  la libération dans un premier temps de toutes les villes importantes de Tombouctou et de Gao (à l’exception de Ménaka).  Le cas de Kidal pourra être abordé dans une seconde phase. Cela permet de concentrer nos efforts et nos forces sur une zone peu étendue et moins distante de nos forces. Cela offre l’avantage que maintenir libre la frontière algérienne pour offrir une possibilité de repli de l’ennemie afin de lui donner une voie de dégagement et abréger les combats s’il le souhaite. 
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Enfin nous ménagerons les groupes occupant Kidal pour donner une chance de succès aux négociations entamées. Il sera toujours possible d’engager les opérations militaires vers Kidal si les négociations n’aboutissent pas. 
Les opérations militaires pourront être entamées vers la fin du mois de janvier avec une symbolique particulière pour les dates du 17 ou 20 janvier ! Elles seront mises en œuvre en trois phases. 
La première phase de l’action de nos forces avec leurs partenaires constituerait à une avancée préliminaire et cela dans trois directions. Les troupes maliennes au Niger renforcées par au moins deux échelons tactiques interarmes (ETIA environ 160 hommes chacun) si possible, constitués en bonne partie par les commandos parachutistes les plus aguerries et les plus disponibles, ainsi que les forces armées et de sécurité du Niger se déploieront pour occuper au moins Labezanga. Au même moment, les troupes maliennes de la région de Ségou avancent jusqu’à Léré en consolidant les bases de Niono et Diabali pour éviter d’éventuels attaques sur leur flan à travers l’axe Youwarou – Macina avec un engagement d’au moins 6 ETIA soit plus d’un millier d’hommes pour la conquête. Le dispositif de sécurisation des bases sera constitué d’autant d’hommes et de matériels. Enfin, sur le front central, le gros de l’armée se projettera à Douentza tout en gardant une base à Sévaré afin de sécuriser l’immense espace couvrant l’arc allant du pays dogon au delta intérieur du fleuve. A partir de Douentza le tiers de cette composante sécurisera le front pendant que les deux tiers se prépareront à avancer vers Gao (et peut être Tombouctou) en synergie avec les autres troupes. Cette phase ne devrait pas voir de confrontations militaires significatives à l’exception de risques de combats à Léré ou Douentza. Cela n’est toutefois pas très probable en raison de l’excentration de ces zones par rapport aux bases des groupes armés et de la disproportion des forces engagées par le Mali et ses amis par rapport aux leurs. 
La seconde phase des opérations ((janvier - février) portera sur des manœuvres psychologiques de démobilisation dans le camp des ennemies. Elle ne se traduira pas par des batailles sauf si nous sommes attaqués et dans ce cas, nos forces devraient réagir de manière vigoureuse. Il s’agira pour nous de procéder à grande échelle à des manœuvres d’intoxication, des pressions sur les combattants supplétifs, en ayant recours aux organisations des civils et de tous les relais d’information. Nous devons utiliser également les services secrets…Le but est d’obtenir la désertion du plus grand nombre possible de combattants, leur retour chez eux et en cela l’ouverture du couloir vers l’Algérie sera positif même s’il y a le risque de l’effet inverse à travers afflux de combattants par ce couloir pour défendre les positions des groupes armés. Ce risque mérite néanmoins d’être pris, compte tenu du contexte. 
La phase trois (mars) verra l’engagement effectif des opérations militaires. Pour assurer sa réussite rapide, il faut obliger les groupes armés à se battre sur le front le plus large possible afin de disperser leurs efforts et d’étirer leurs lignes pour diminuer leur densité et donc leur résistance. Cela signifie que nous devons nous engager sur les fronts de l’Est, à partir de la frontière nigérienne et de l’Ouest de Léré vers Tombouctou en empruntant si possible deux pistes (une directement au Nord et une au sud à partir de Djoura dans le cercle de Teninkoun ensuite Youwarou et Niafunké). Trois fronts au moins devraient être engagés avec la possibilité d’un 4 e de Douentza en direction de Tombouctou (si la logistique le permet) et d’un 5 e vers Gao mais à partir du fleuve pour contourner la menace de destruction du pont de Wabaria. 
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En deux ou trois semaines, en avançant de manière prudente, les différents fronts devraient faire jonction progressivement et obtenir la libération des villes d’Ansongo à Gao jusqu’à Bourem d’une part, et de Niafunké à Gourma Rharous en passant par Diré, Goundam et Tombouctou d’autre part.  
Le cas de Ménaka peut être traité plus tard en perspective de la résolution des questions relatives à Kidal. Aussitôt les villes libérées, la priorité absolue des forces armées et de sécurité avec leurs partenaires sera de les sécuriser, protéger les voies d’approvisionnement, entamer les actions éventuelles de déminage, pourchasser et détruire tous les brigands qui écument les vallées du fleuve mais également le Gourma, le Seno et toute la bordure des frontières mauritaniennes. 
Il s’agira de consolider les positions et de se préparer à des actions de guérillas, de terrorismes et autres manœuvres des groupes armés délogés de leur position, dans les villes des régions de Tombouctou et Gao. Il s’agira ensuite de planifier militairement la libération de la région de Kidal.  
Préparer de manière optimale la suite (juin) 
Nos forces armées et de sécurité, avec tous nos amis, devront s’inscrire dans le concept d’opération tel que défini avec la communauté internationale et donc s’orienter à tout moment pour assurer la mise en branle des forces de soutien. Nous devons préparer le déploiement de forces étrangères et accélérer la formation des troupes restantes ou recrutées pour les déployer sur le terrain, afin que nous disposions en permanence d’effectifs « frais », disponibles, aptes et motivés pour le combat. Nous devons poursuivre nos efforts d’armement, avec le soutien de toutes les bonnes volontés amies pour soutenir les troupes sur le terrain car l’ennemie sera loin de l’abdication. Comme cela a été indiqué plusieurs fois dans les écrits, le Mali doit se préparer à une lutte de longue haleine pour anéantir les menaces des groupes armés sur son territoire, afin de ne plus jamais vivre l’humiliation de l’année 2012. Il sera indispensable de maintenir également les actions de renforcement des moyens logistiques pour les adapter au terrain et les faire évoluer progressivement pour accroître la mobilité de nos troupes ainsi que leur réactivité. 
Les efforts présentés seront corrélés au déploiement des troupes étrangères et à l’engagement de la communauté internationale à nos côtés. Plus ces derniers seront rapides et massifs, moins prégnantes seront les exigences sur nos épaules en terme d’efforts à fournir. Cependant, nous commettrions une erreur stratégique en nous basant uniquement sur l’extérieur pour conduire ces initiatives de renforcement de nos forces.  
Notre pays fait face au plus grand défi de sa jeune existence et les maliens à leur pire épreuve en tant que nation. Nous avons pour habitude de nous référer au passé et aux grand empires qui ont façonné notre identité et constitué à juste titre pour nous des motifs de fierté. Nous avons aujourd’hui l’occasion, en tant que peuple, de donner aux générations futures de nouveaux motifs de fierté ! C’est tous ensemble que nous arriverons à faire face à ces obstacles compliqués, en tant que peuple et en tant que nation. Le sacrifice de nos soldats se nourrira de nos sacrifices de citoyen. Alors, comme le dit si bien notre hymne national : soyons tous résolus de mourir pour le Mali, afin que notre avenir rime avec espérance et confiance. 
Moussa MARA moussamara@moussamara.com

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