vendredi 10 février 2012

NORD MALI La donne change pour ATT

Depuis l’attaque simultanée et coordonnée mercredi 18 janvier 2012 des villes Tessalit et Aguelhok dans le Nord Mali, les choses semblent prendre une toute autre dimension dans la très délicate question du Nord. La marche des femmes du camp militaire de Kati sur le palais de Koulouba est le signe d’une certaine rupture entre la hiérarchie militaire et les hommes au front. Décryptage. Les fins de régime sont difficiles. Pour celui qui veut tirer sa révérence la tête haute, la délicatesse devient dès lors le compagnon du reste du chemin à parcourir vers la sortie. Amadou Toumani TOURE, dans cette posture, se trouve alors plutôt mal. C’est sa gestion de la question du Nord qui se trouve ainsi au centre de critiques les plus acerbes, attaquée de toutes parts jusque dans les casernes où les épouses des militaires n’en peuvent plus de voir leur mari de soldat se faire égorger comme des poussins par ceux-là même à qui, lui ATT a accordé toutes les faveurs de la république : l’intégration de bandits dans l’armée qui désertent avec armes et munitions, l’autorisation de port d’armes de guerre alors qu’il prétend combattre la circulation d’armes légères, de l’emploi bien rémunéré alors que d’autres fils de la nation méritants, faut-il le souligner au passage, passent leur journée à tuer le temps autour d’une théière ; des projets à tout va alors que bien d’autres régions du pays ne survivent que grâce à l’humanitaire ou la solidarité de ceux ayant fui la misère ambiante… Gestion hasardeuse On ne récolte que ce que l’on sème. ATT est face aujourd’hui aux conséquences directes de sa gestion hasardeuse de cette épineuse question. Il a cru avoir raison pendant un bon moment en jouissant d’une relative accalmie dans le Nord en accordant l’autorisation aux éléments de la branche salafiste algérienne de camper dans le désert malien. En contre partie, Al Qaeda dans le Maghreb islamique lui avait fait croire qu’il calmerait les velléités rebelles de tribus touaregs très activistes. C’était sans compter avec l’avenir. Le grand voisin du Nord, l’Algérie s’en était fâché reprochant à Bamako, sa « gestion hasardeuse » d’une situation qu’il ne prend pas à sa juste mesure. Alger avait alerté à plusieurs reprises sur le danger à accorder l’asile territorial à des éléments qui se sont retirés pour mieux se préparer et l’attaquer dès lors qu’ils seront mieux préparés. Le pays de Boutelflika qui a combattu par le fer les islamistes accusait ATT de snobisme stratégique car les prises d’otages ne visaient autres choses que ce seul objectif : se renforcer grâce aux rançons payées en payant des armes et des hommes. Les stratèges de Koulouba ont rétorqué en arguant qu’Alger veut que Bamako fasse à sa place sa guerre contre ses islamistes. Mais puisque jusqu’ici le pacte avec les deux katibas (unité principale de l'Armée de libération nationale constituant une compagnie légère lors de la guerre d’Algérie), celle d'Abou Zeid et celle de Mokhtar Belmokhtar, semblait fonctionné sans déranger Bamako grâce à une série d'accords avec des réseaux de trafics divers, des hauteurs de Koulouba on a pas vu venir la menace du délitement du régime libyen ou plutôt très tardivement. Le ministre des Affaires étrangères, émissaire du chef de l’état, aura beau écumer les principales capitales impliquées dans la gestion de cette crise, il n’y aura finalement apporter que peu de choses : le fait de réunir après des années au tour d’une même table les chefs d’états majors des armées directement concernées. Et c’est la chute du régime de Mouammar Kadhafi qui aura été la cause immédiate de la situation actuelle dont souffre aujourd’hui le pays. Et là encore, tout le tort est à adresser à ATT pour avoir laisser passer sur le territoire national des anciens combattants avec des armes de guerre et pire leur offrir des millions (une bonne cinquantaine) en attendant de pouvoir coordonner les agendas des partenaires et trouver des solutions durables. Iyad Ag Ghali, le salafiste On aura oublié que ces combattants accueillis par Kadhafi qui a crée un corps ad hoc au sein des son armée, une sorte de légion étrangère, sont tous d’anciens activistes des pires années de la rébellion déclanchée, il faut le rappeler par un certain Iyad Ag Ghali dans la nuit du 28 juin 1990 à Menaka à la tête du Mouvement populaire pour la libération de l'Azawad (MPLA), créé en 1988 et considéré comme le front historique de la rébellion touarègue au Mali. Malgré son soutien au Pacte national en 1992, Iyad qui fut même premier consul du Mali à Djedda en Arabie Saoudite dans le cadre du processus d’intégration, rejoindra quand même l'Alliance démocratique du 23 mai pour le changement aux côtés de Hassan Fagaga et Ibrahim Ag Bahanga des irrédentistes qui se croyaient tout permis au Mali, tellement les concessions des autorités au nom de la paix sont faciles à obtenir. L’ancien rebelle s’était dernièrement « reconverti » comme négociateur dans les prises d’otages d’occidentaux par Aqmi avec quelque « résultat ». Des sources proches des renseignements généraux avaient fait état un moment de soupçons sérieux sur son rôle réel et ses ambitions dans ces affaires d’Aqmi. Aujourd’hui, beaucoup pensent qu’il y a une jonction établie entre Aqmi et les MNLA qu’il dirige. On apprend qu’il est plongé dans un coma suite à l’attaque de l’armée malienne le 27 janvier dernier contre des positions rebelles. Le personnage est trouble. Il serait celui qui a négocié l’intégration des éléments touaregs dans les unités de l’armée en tant que secrétaire général de l'Alliance démocratique du 23 mai pour le changement, mouvement qui négocia les fameux Accords d’Alger. Selon des témoignages provenant d’officiers de l’armée malienne aujourd’hui presque en rupture de ban avec les pouvoirs publics dans la gestion de la question du Nord, l’intégration des anciens rebelles, « des badauds touaregs » ainsi que beaucoup les appellent, s’est faite d’une façon inouïe : « on a disposé des galons sur la table et ils se sont servi. Certains, qui pensaient que la couleur rouge équivalaient à un grade élevé, sont revenus après prendre des galons avec des traits. Et ils nous expliquaient que c’était les consignes de leur chef. » C’est ainsi qu’un chef de garnison a préféré être « déshabillé », quitter l’armée plutôt que de se faire diriger par quelqu’un qu’il a combattu et qui n’a aucune formation militaire mais juste un grade de lieutenant-colonel offert sur un plateau d’argent. Selon nos sources, le lieutenant-colonel de paille a été re-affecté dans une autre caserne, tellement la détermination de ce vaillant homme était grande. Des anecdotes comme cela sont aujourd’hui monnaie courante après les tueries dans les garnisons de Menaka, Aguelhok, Tessalit, Anderaboukane, Léré, Niafunké où des éléments intégrés sont aujourd’hui décrits par des témoins comme étant les clés de la clé réussite des assassinats de militaires dans les camps. La preuve est venue avec le repli du contingent de Ber sur Tombouctou et la fuite des éléments intégrés avec un véhicule de l’armée et des armes et minutions. Pire, la preuve qu’un élu de la nation soit lié à ce banditisme sanguinaire et de surcroît mêlé à un réseau de trafic de drogue et sur lequel court un mandat d’arrêt d’un pays voisin. Tout cela, Bamako le sait, le savait et a fermé les yeux et les oreilles. Gassama pour défendre la nation Voilà ce qui a motivé la protestation des femmes des hommes en uniforme de la garnison de Kati. Un traitement de faveur au profit de ceux qui sont aujourd’hui les bourreaux de leur mari sur le front sans munition suffisante pour se battre. Tout cela ATT, on veut bien le croire, l’a fait au nom de la paix, du Mali. Mais force est de reconnaître que le Général a gravement manqué de clairvoyance dans ses idées. Sa démission réclamée par une certaine opinion de la rue. A en croire les rumeurs sourdes des casernes, Sadio Gassama, qui était jusqu’à jeudi ministre de la sécurité intérieure et de la protection civile, avait réussi à mettre fin au grand banditisme dans les localités de Nioro du Sahel et de Yélimané dans la première région de Kayes ; Il aurait mis sa démission dans la balance pour protester contre la gestion du chef de l’état. L’homme, reconnu pour son sa valeur militaire, prône un règlement par les rames en chassant les bandits par le feu. Plusieurs chefs de la hiérarchie militaire sont acquis à sa solution. Voilà peut-être ce qui explique la permutation de poste avec le ministre Natié Pléah qui occupait la défense. Ce n’est pas la première fois qu’entre ATT et la hiérarchie militaire, les positions s’opposent. Le chef de l’état a toujours prôné la solution du dialogue quitte à faire des compromissions alors que des officiers de terrain ne voyaient dans les troubles que des bandits qu’il faut pourchasser et punir. Certes sans confondre bandit et touareg comme l’a souligné le président de la république dans son allocution du 1er février. Il importera surtout pour ATT qui affirme que « aujourd’hui la démocratie offre toutes les voies d’expression à tout citoyen » de tenir un langage de vérité et de franchise au peuple notamment sur les discussions en cours en Algérie, car les Accords d’Alger du 04 juillet 2006 sont jugés par la grande majorité des Maliens comme une compromission alors même que la première feuille de mission donnée à Ag Erlaf qui a rencontré des membres du Mouvement du 23 mai à Abeibara, contenait entre autre l’exécution à la lettre des Accord d’Algers. Aujourd’hui, il semble que le locataire de Koulouba se soit avisé. Sa confiance a été trahie par ses partenaires. Les centaines de morts dans les rangs de l’armée, livrés aux bandits par les éléments que lui ATT a voulu intégrer dans les unités nationales, rongent sa conscience. Autre aspect non négligeable. Le régime défunt de Kadhafi, soutenu avec ferveur par Bamako et l’ensemble du peuple malien, est aujourd’hui considéré comme la cause du mal dans le Nord du pays. L’arrivée de combattants pro-Kadhafi se révèle un sévère retour de bâton d’une politique de gestion à courte vue de la question du Nord. Avec les récents événements, la donne change radicalement pour le locataire de Koulouba. Aussi bien pour l’actuel que le futur. Tout le peuple se demande si finalement, les élections générales de 2012, à commencer par la présidentielle prévue au mois d’avril, pourront se tenir. Le Mali se trouve à un tournant critique. Oussouf DIAGOLA NORD : Le Droit de savoir C’est bien dans le rôle des médias publics d’aller vers l’apaisement en ne montrant pas certaines images, en ne disant pas certaines vérités. Les médias indépendants devront-ils, spécifiquement dans cette nouvelle situation qui se déroule au Nord faire le mouton derrière nos confrères du service public ? Entre droit de savoir du public et conscience de la responsabilité de journaliste que nous sommes, il se joue comme un dilemme cornélien dans lequel toute ligne éditoriale fluctuante. Mais au-delà, il reste les options pour ou contre l’option militaire, pour ou contre la fraternité nationale. Deux ministres de la République face à la presse. Sidiki N’Fa Konaté, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement aux côtés du tout nouveau ministre de la Défense nationale, le Général Sadio Gassama pour appeler à la responsabilité des journalistes, mais oubliant volontairement le droit de savoir du public. Conséquence : l’éditorial enflammé d’un confrère prônant la guerre ouverte pour s’inscrire dans la volonté du peuple. Les positions plus nuancées, plus pacifistes sont quasiment passées inaperçues sauf lors que publiant les communiqués de Ganda’Izo ou tirant sur la France et son Ministre des Affaires étrangères. Dans la nouvelle situation au Nord du Mali, ce n’est plus le gouvernement et son président qui sont face à leur responsabilité, mais l’ensemble du peuple malien à travers toutes les couches socioprofessionnelles, à commencer bien entendu par la presse. Nous avions reçues, il y quelques jours via un espace de discussion de la diaspora intellectuelle malienne, des images atroces dont la source était impossible à vérifier. Appelant à plus de responsabilité pour la diffusion de telles images, nous avons reçu des explications et des détails assez troublants. « A Abeibara, des jeunes militaires ont utilisé leurs téléphones portables du début a la fin et ont décrit minute par minute de 8h du matin moment où ils ont épuise les munitions et demande des secours de Bamako à 16h lorsque les rebelles sont venus les égorger. Tout a été enregistré par téléphone portable. Les jeunes militaires ont situé exactement les responsabilités de ce qui leur est arrivé. Les renforts n'avaient pas été envoyés parce qu'il n'y avait pas de véhicules disponibles et ensuite parce qu'il n'y avait pas de carburant... etc. » Croyez-moi M. le Ministre de la Communication, notre première question était de savoir comment de telles images, relevant quasiment du Secret Défense, peuvent-elles se trouver sur Internet ? Des interrogations perlées se posent : qui a récupéré ces téléphones portables, qui a diffusé les images, tout cela est-il vrai ou faux ? Seule une commission d’enquête indépendante pourra nous édifier. Ce qui est sûr, c’est que notre source assure que « la publication de ces images a sauvé de nombreux militaires. […] De nombreux officiers supérieurs n'ont eu une idée sur la réalité de la stratégie militaire des rebelles que lorsqu’ils ont vu ces photos et alors ils ont décidé de demander aux jeunes soldats qui voulaient garder leurs positions à mains nues de les abandonner » pour ne pas subir le même sort de que leurs frères d’armes d’Abeibara. Ces images, un confrère les pourtant commentées. Quelque soit la course au scoop, aucun journal, aucune télévision ne diffusera, tellement leur atrocité est grande. Une dernière question reste cependant : si leur publication a interpellé les décideurs pour mieux prendre la mesure de la chose, l’auteur de la fuite de ces images doit-il être considéré comment, même devant la justice militaire ? Certes faut aller vers l’apaisement et appeler à une solution par le dialogue. Mais faudra t-il pourtant autant fermer les yeux, se mentir à soi-même, taire la vérité ? La quasi totalité des élus de la nation et des formations politiques à l’exception de SADI et des députés se sont arrangés derrière les autorités nationales dans leur philosophie de rechercher la paix par le dialogue. On pourra dire que ce soutien politique apporté à ATT est normal. Mais l’exigence d’une enquête parlementaire pour établir la vérité des faits au nom du peuple était plus responsable. De responsabilité, on peut en parler encore lorsque des citoyens maliens ordinaires menacés dans leur intégrité physique pour la seule raison qu’ils sont originaires de la même localité que les assassins des militaires sont obligés de quitter le Mali pour se réfugier dans des pays voisins. Pis comment un état responsable ne peut pas garantir la sécurité de ses citoyens face des populations civiles. Comment expliquer qu’un ancien Premier Ministre décide de se « retirer momentané », pour reprendre les propres mots de Ahmed Mohamed Ag Hamani, à Dakar « afin d’assurer prioritairement la sécurité de ma famille » ? Ne fait-il plus confiance aux autorités nationales de son pays, de l’état dont il a été un chef de gouvernement ? Quelques soient les explications qui seront apportées à ces questions, Koulouba ne pourra jamais convaincre qu’il a assumé ses responsabilités. C’est d’ailleurs pour cela que la sortie de la douce et tendre ancienne ministre Zakiyatou Oualett Halatine contre ATT himself, est si pleine de colère : « Mon étonnement est que les services de sécurité et militaires et peut-être vous-même, car je ne peux pas penser un seul instant que vous n’étiez pas au courant de ce qui allait se passer, n’ayez pris aucune disposition pour l’anticiper. » (sic) La responsabilité ou plutôt la conscience de sa responsabilité, voilà ce qui permettra a l'homme de mieux jouer son rôle. Oussouf DIAGOLA

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