vendredi 2 septembre 2011

La reconstruction de l’école malienne passe par une large mobilisation

La reconstruction de l’école passe par une large mobilisation Chères toutes et chers tous Nous avons fait vœux de nous impliquer dans la vie publique de notre pays afin d’assurer, désormais, la prise en compte de ce qui, à nos yeux constituent les principales préoccupations de nos populations. Tout ce qui touche à la vie des maliens nous concerne. Nous devons nous mobiliser et mobiliser toutes les forces vives de notre peuple. Notre mobilisation actuelle passera par une rencontre le samedi 2 juillet 2011 au Centre Djoliba poursuivant la précédente, qui fut un grand succès, tenue le 18 juin 2011 à la Bibliothèque Nationale. Nous devons constamment prendre la précaution de clarifier notre rôle de force de mobilisation. Notre rôle est pédagogique et républicain. Il s’inscrit dans le respect des institutions républicaines et dans le respect du rythme naturel de la vie politique nationale. Notre mobilisation consiste à lutter contre les comportements, les idées susceptibles de s’opposer au progrès humain. Notre mobilisation consiste également à promouvoir les vertus qui font la république. A la lumière de ce rappel, voyons comment se présente la situation en attente de notre rencontre du 2 juillet ? La situation universitaire et nos résolutions Une des toutes premières valeurs républicaines est l’instruction. Nos résolutions du 18 juin prises pour contribuer à assurer aux jeunes maliens une formation universitaire de qualité, rappelons-le, sont : (1) dissolution de l’AEEM comme symbole d’une période dramatique de l’école et la nation malienne, (2) fermeture des établissements supérieurs et invalidation de l’année universitaire en cours, (3) retirer immédiatement la gestion des résidences universitaires aux étudiants et la remettre aux autorités officielles compétentes, (4) fermeture des résidences universitaires et le début de leur rénovation, (5) autonomie des établissements d’enseignements supérieurs, (6) mise en place d’un système d’assurance qualité de l’éducation avec une participation des étudiants aux frais, (7) création d’un fonds autonome et citoyen alimenté par une contribution des étudiants pour financer l’auto-emploi des diplômés. Du bon usage du pouvoir d’achat étudiant De toutes les informations qui me sont parvenues et qui sont accessibles à tout chef de famille ayant des enfants inscrits à l’université de Bamako, il ressort que chaque étudiant, actuellement, assure les coûts annuels suivants : (a) 10.000CFA au moment de l’inscription, payables à des personnes se prétendant de l’AEEM, (b) 10.000CFA à chacun des 10 devoirs (2 au moins pour chacune des matières obligatoires dont nous prenons le nombre, en moyenne, égal à 5), soit 100.000CFA. Ces montants sont destinés à des enseignants, (c) 50.000CFA pour acquérir 5 « brochures de cours » correspondant à, au moins, 5 matières. Ce montant va aux enseignants, (d) 10.000CFA mensuels sur 9 mois payables à des personnes se réclamant de l’AEEM. Ceci fait un montant de 90.000CFA, (e) une somme minimale de 150.000CFA pour assurer le passage d’une classe à la classe supérieure. Cette somme peut atteindre, comme la semaine dernière 300.000CFA. En effet selon les témoignages d’étudiants et de leurs parents, des enseignants craignant de perdre des ressources ont voulu anticiper sur la fermeture de l’université que des rumeurs ont véhiculée. Ces enseignants ont promis contre perception de sommes allant de 150.000CFA (montant le plus bas porté à ma connaissance) à 300.000 CFA (montant le plus élevé porté à ma connaissance) afin d’assurer le passage en classe supérieure. Ces notes sont réputées être acquises à l’étudiant payeur même en cas de fermeture de l’université. Beaucoup de familles détiennent même les reçus délivrés (oui, des enseignants sont si assurés de l’impunité qu’ils délivrent des reçus contre réception des sommes durant les opérations d’achat-vente de notes de classe). Ainsi chaque étudiant supporte actuellement le paiement de coûts indus dépassant 400.000CFA par an. Ceci signifie que la situation catastrophique actuelle, si elle détruit l’avenir du Mali, profite à des fossoyeurs de notre pays pour un montant global de plus de 40 milliards par an allant principalement aux enseignants véreux et à des individus prétendant être de l’AEEM. Et tout le monde le sait. C’est ainsi qu’au nombre de nos propositions il y a l’idée de faire payer à chaque étudiant inscrit à l’université publique des frais d’inscription annuelle, par exemple, de 100.000CFA. Cela ferait pour l’université publique une somme de 10 milliards en revenus propres. Il est purement et simplement absurde et anti malien d’accepter que les étudiants maliens et les familles maliennes payent chaque année plus de 40 milliards à des fossoyeurs du pays tout en trouvant des prétextes pour empêcher l’université publique de disposer de ressources nécessaires à son efficacité et nécessaires à faire disparaitre la corruption universitaire actuelle. Le mal profite aux malfaiteurs En réalité les bénéfices financiers exacts tirés par les différents protagonistes du désastre de l’université malienne sont inconnus, en raison de leur nature occulte, mais les calculs ci-dessus les situent entre 40 et 60 milliards CFA par an. Ces calculs montrent que, de cette somme, trois-quarts soit 75% ou plus de 30 milliards par an vont à des enseignants et « seulement » un quart soit 25% ou 10 milliards par an vont à des « étudiants » se réclamant de l’AEEM. Je dois reconnaitre avoir été sceptique face à la rumeur publique disant que les véritables profiteurs de la crise de l’école malienne sont des enseignants. Apres les calculs, je dois le reconnaitre : cette rumeur est totalement fondée. Si nous acceptons l’hypothèse que le vrai malfaiteur est celui auquel profite le méfait alors nous sommes obligés d’admettre que les vrais malfaiteurs dans la crise de l’école malienne sont des enseignants. Attention. Il serait erroné de déduire de ce qui précède que tous les enseignants sont corrompus. Tous les enseignants ne le sont pas. Tous les témoignages spontanément apportés à moi par les étudiants disent que des structures étatiques ont été utilisées comme guichet occulte de rémunération des tâches sous-traitées à des étudiants. Les témoignages disent aussi que la pratique a été établie que certains anciens étudiants reçoivent, en plus des postes qui leur ont été attribués, un égard financier. Cet egard se manifeste à l’ occasion d’événements sociaux. Ainsi un tel privilégié, à l’occasion d’un baptême, reçoit une « contribution » du gouvernement de 1 million CFA et, à l’occasion d’un mariage, il reçoit 3 millions CFA. Ainsi donc les deux principaux bénéficiaires de la crise de l’université malienne sont, en premier lieu, le milieu enseignant et en second lieu le gouvernement. Les étudiants, les membres de l’AEEM en particulier, qu’ils soient membres actifs ou honoraires sont en réalité des victimes. Ils se rendent bien compte que même les postes à eux distribués ne sont pas les solutions vraies et définitives à leurs questions existentielles. Ils constatent qu’ils demeurent des personnes dépendantes de la « générosité » des membres du gouvernement ou des hommes politiques agissant en protecteurs. Attention : je ne suis pas entrain de condamner que des emplois « politiques » soient réservés à des personnes venant sur la base d’une obédience politique. Mais la liste de tels emplois doit être connue et acceptée. L’honnêteté me fait obligation de dire également ma surprise d’avoir entendu, dans au moins 90% des témoignages des étudiants, le nom du défunt ministre Mohamed Lamine Traore qui, à leur dire, est l’un des responsables politiques ayant le plus « utilisé » les services fournis par les étudiants. Les pratiques qui bouchent l’horizon L’université malienne produit à la chaine des diplômés sans emplois. Maintenant nous avons la certitude que nos populations paient plus de 40milliards par an pour que cette université forme des diplômés sans connaissance. C’est ainsi que nous risquons de disposer très bientôt de médecins dûment diplômés ignorant tout de la médecine et qui iront « soigner » nos populations. Les jeunes maliens sortant de l’université avec un diplôme en poche, pour trouver des emplois, se tournent souvent vers les ambassades étrangères où l’assistance est devenue symbolique. La totalité des témoignages citent que toutes les places mises au concours d’accès à la fonction publiques sont vendues aux plus offrants. Ces témoignages donnent même les prix de vente des emplois vacants. Un poste de magistrat coûterait 5millions CFA et un poste de douanier coûterait 3 millions CFA. Dans ces cas également des familles déclarent avoir en mains des reçus délivrés par les vendeurs de place ou leurs intermédiaires. La corruption de certains enseignants a porté un terrible coup au moral des étudiants qui prennent naturellement leurs maîtres en modèles. Les conséquences néfastes se feront sentir très longtemps. La corruption de l’espace universitaire a des conséquences si graves que certains scientifiques connus et respectés apparaissent aux yeux de beaucoup comme de vulgaires escrocs ayant détruit la vie et la carrière de plusieurs promotions de jeunes et prometteurs chercheurs. Ces personnes réputées ont aussi dilapidé de larges sommes apportées par l’aide extérieure à la recherche scientifique malienne. Le discrédit jeté, en conséquence, sur les scientifiques maliens est très grand et sera extrêmement long à vaincre sur le plan international. Chaque jeune connait une longue liste de personnes occupant des postes indus sans pouvoir justifier ni de diplômes ni de compétences. Ils donnent des noms de ministres de hauts cadres placés dans des circuits financiers par des partis politiques. Parmi ces personnes citées et qui ont donné des exemples dévastateurs, certaines sont dans des postes de responsabilités dans des banques, dans un organisme public de transaction immobilière, dans des consulats, les corps habillés, etc... Les noms les plus cités par les étudiants de telles structures sont la BHM (Banque de l’Habitat du Mali), l’ACI (Agence de Cessions Immobilières), l’APEJ (Agence pour l’emploi des jeunes). Il s’agit uniquement de témoignages mais nous aurons, le moment venu, l’obligation de procéder aux vérifications légales nécessaires concernant les allégations les plus graves. Quelles sont les perspectives Au vu de ce qui précède et sur la base des informations que nous avons recueillies à l’ occasion du 18 juin j’ai la satisfaction que nous comprenons mieux la crise de l’université par ses causes et ses manifestations. Les causes profondes de la crise qui remonte loin dans le temps sont : • Les interventions inappropriées du gouvernement dans la gestion quotidienne des établissements d’enseignement supérieur ayant abouti à la substitution de critères politiques aux critères académiques dans les procédures de prise de décision; • L’utilisation des étudiants par le gouvernement, des hommes politiques, des organisations politiques pour accomplir des tâches de nature non académique; • L’abandon de toute autorité et tout cadre normatif pour le personnel enseignant ayant conduit certains enseignants au premier rang desquels se situent de nombreux enseignants vacataires, à transformer l’espace universitaire en un vaste marché où tout se vend et s’achète y compris l’honneur, l’éthique, la morale, l’avenir du Mali ; • L’absence de perspectives d’emplois pour les diplômés ; • L’absence d’objectifs qualitatifs et quantitatifs pour le système universitaire dans les trois domaines de ses activités : l’enseignement, la recherche, la valorisation des résultats de la recherche. A cet égard, nous devons réaffirmer notre conviction que les vraies solutions se trouvent dans la mise en œuvre de mesures résumées dans nos résolutions et qui visent à : • Donner une « bonne » autonomie aux établissements d’enseignement supérieur afin de supprimer les interventions de structures publiques et privées non académiques dans l’espace universitaire ; • Retirer les étudiants des activités autres qu’académiques ; • Assainir le milieu professionnel de l’enseignement. En raison de tout cela nous avons l’obligation de nous mobiliser. Plus nous serons unis, nombreux, dans la volonté de guérir l’école de ses maux, plus sera grande la chance de voir le gouvernement ouvrir les yeux et oser les courageuses d’actions que tout le Mali attend. Autrement le calendrier politique incluant la question de la modification constitutionnelle et les élections générales de 2012, ajoutés à la tradition africaine qui est celle de l’entêtement irraisonné des gouvernements peut conduire à de grandes difficultés. Pour un meilleur futur pour le Mali, nous sommes condamnés à gagner. Dialla Konaté, 30 juin 2011

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