vendredi 2 septembre 2011
C’est l’OTAN qui fait tout le travail militaire. Pas les rebelles
C’est l’OTAN qui fait tout le travail militaire. Pas les rebelles
Entretien avec Thierry Meyssan
par Silvia Cattori
Mondialisation.ca, Le 22 aout 2011
silviacattori.net
Nous avons pu nous entretenir avec Thierry Meyssan aux heures les plus
sombres et dramatiques pour les très nombreux Libyens opposés à
l’intervention de l’OTAN - contrairement aux bobards proférés par
Bernard-Henri Lévy.
Silvia Cattori : D’ici on a le sentiment que Tripoli est en train de
s’effondrer. Quel est votre avis ?
Thierry Meyssan : Nous sommes enfermés dans l’hotel Rixos. On ne peut
pas dire si tout va s’effondrer ou pas. Mais la situation est très
tendue. Hier soir, au moment de la prière, plusieurs grandes mosquées
ont été verrouillées. Tout de suite après des haut-parleurs ont lancé
l’appel à l’insurrection. A ce moment-là des groupes armés ont
commencé à sillonner la ville et à tirer dans tous les sens. Nous
avons appris que l’OTAN a amené un bateau, juste à proximité de
Tripoli, d’où ont été débarquées des armes et des Forces spéciales.
Depuis les choses vont de pire en pire.
Silvia Cattori : S’agit-il là de « Forces spéciales » étrangères ?
Thierry Meyssan : On peut le supposer. Mais je ne suis pas en mesure
de le vérifier. Même si ces « Forces spéciales » sont formées de
Libyens tout leur encadrement est étranger.
Silvia Cattori : Quelle est la nationalité de ces « Forces spéciales » ?
Thierry Meyssan : Ce sont des Français et des Britanniques ! Depuis le
début, c’est eux qui font tout.
Silvia Cattori : Comment tout a-t-il soudain basculé ?
Thierry Meyssan : Le 21 août, en fin de journée, un convoi de voitures
avec des officiels a été subitement attaqué. Pour se mettre à l’abri
des bombardements les membres de ce cortège se sont réfugiés dans
l’hôtel Rixos, où réside la presse internationale, et où par hasard je
me trouve.
Depuis ce moment-là l’hôtel Rixos est encerclé. Tout le monde porte
des gilets pare-balles et des casques. On entend tirer dans tous les
sens à l’entour de l’hotel.
Les forces rentrées dans Tripoli depuis hier elles n’ont pris aucun
bâtiment en particulier ; elles ont attaqué des cibles à certains
endroits en se déplaçant. Il n’y à en ce moment aucun bâtiment occupé.
L’OTAN bombarde de manière aléatoire pour terroriser toujours
davantage. Difficile de dire si le danger est si important qu’il y
paraît. Les rues de la ville sont vides. Tout le monde reste enfermé
chez soi.
Nous on est prisonniers dans l’hôtel. Cela dit on a l’électricité,
l’eau, nous ne sommes pas à plaindre. Les Libyens oui. Il y a des tirs
maintenant alentour, une intense bataille ; il y a déjà eu de nombreux
morts et blessés en quelques heures. Mais nous on est préservés. Nous
sommes tous regroupés dans la mosquée de l’hôtel. Vous entendez des
tirs en ce moment.
Silvia Cattori : Combien d’assaillants encerclent en ce moment votre hotel ?
Thierry Meyssan : Je suis incapable de vous le dire. C’est un
périmètre qui est assez grand parce qu’il y a un parc tout autour de
l’hôtel. Je pense que s’il n’y avait que les assaillants ce ne serait
pas si simple de prendre Tripoli. Mais s’il y a d’autres troupes de
l’OTAN avec eux oui, ça change tout, le danger devient grand.
Silvia Cattori : Sur les images diffusées par les Télévisions ici ce
que l’on a vu au cours de ces six mois ce sont des excités qui tirent
en l’air, et qui ne paraissent pas des professionnels…
Thierry Meyssan : On a vu en effet des bandes qui s’agitent et qui ne
sont pas militairement formées. C’est de la pure mise en scène, ce
n’est pas de la réalité. La réalité est que tous les combats sont
menés par l’OTAN ; et quand leur objectif est terminé les troupes de
l’OTAN se retirent. Alors de petits groupes arrivent - on voit à
chaque fois une vingtaine de personnes - mais on ne les voit jamais en
action en réalité. L’action ce sont les forces de l’OTAN.
C’est ainsi que cela s’est toujours passé dans les villes qui ont été
prises, perdues, reprises, reperdues, etc… A chaque fois ce sont les
Forces de l’OTAN qui arrivent avec des hélicoptères Apaches et
mitraillent tout le monde. Personne ne peut résister, au sol, face à
des hélicoptères Apaches qui bombardent ; c’est impossible. Donc ce ne
sont pas les rebelles qui font le travail militaire, c’est de la
blague ça ! C’est l’OTAN qui fait tout. Après ils se retirent, puis «
les rebelles » viennent qui font de la figuration. C’est cela que vous
voyez diffusé en bloucle.
Silvia Cattori : Sait-on combien de « rebelles » en armes sont entrés
dans Tripoli cette nuit ? Et si des cellules dormantes étaient déjà là
?
Thierry Meyssan : Forcément, oui, il y a des cellules dormantes dans
Tripoli ; c’est une ville d’un million et demi d’habitants. Qu’il y
ait des cellules combattantes à l’intérieur c’est tout-à-fait
probable. Quant aux assaillants, encore une fois, je ne sais pas
quelle est la proportion de l’encadrement par les forces l’OTAN. La
vraie question est de savoir combien de Forces spéciales ils ont déjà
déployées.
Il y a maintenant les forces militaires du colonel Kadhafi dans la
ville. Elles sont arrivées assez tardivement depuis l’extérieur. Les
assaillants encerclent l’hôtel. Je pense qu’il est impossible cette
nuit de tenter un assaut contre l’hôtel.
Silvia Cattori : La panique a-t-elle gagné les gens qui résident à l’hôtel ?
Thierry Meyssan : Oui les journalistes résidant ici à l’hotel Rixos
sont complètement paniqués. C’est une panique générale.
Silvia Cattori : Et vous comment vous sentez-vous ?
Thierry Meyssan : Moi j’essaie de rester zen dans ces situations !
Silvia Cattori : Combien de journalistes étrangers sont-ils retranchés
dans l’hôtel ?
Thierry Meyssan : Je dirais entre 40 et 50.
Silvia Cattori : Les gens ignorent que, là où il y a des journalistes
qui couvrent la guerre, il y a toujours bon nombre d’entre eux qui
font du renseignement, qui sont des agents doubles, des espions…
Thierry Meyssan : Il y a des espions partout ; mais je pense qu’ils ne
savent pas tout.
Silvia Cattori : On dit ici que le plan pour évacuer les étrangers est
prêt. Ils vont donc pouvoir sortir…
Thierry Meyssan : L’Organisation d’émigration internationale a un
bateau qui est prêt à accoster dans le port de Tripoli pour évacuer
les étrangers, notamment la presse, prioritaire, dans ces cas là.
Silvia Cattori : Et vous que comptez-vous faire ?
Thierry Meyssan : Pour le moment ce bateau est toujours au large ; il
n’est pas rentré dans le port. C’est l’OTAN qui l’empêche d’accoster.
Quand l’OTAN l’autorisera l’évacuation se fera.
Silvia Cattori : Cette évolution vous surprend-elle ?
Thierry Meyssan : Les choses se sont accélérées quand le bateau de
l’OTAN est arrivé. Si ce sont des combattants appartenant aux Forces
spéciales de l’OTAN qui sont ici au sol c’est évident que tout peut
tomber rapidement…
Silvia Cattori : Les citadins sont-ils tous munis de fusils comme on l’a dit ?
Thierry Meyssan : Le gouvernement a distribué presque deux millions de
kalachnikovs dans le pays pour assurer la défense face à une invasion
étrangère. Dans Tripoli, tous les citoyens adultes ont reçu une arme
et des munitions. Il y a eu un entraînement ces derniers mois.
Silvia Cattori : Les Libyens qui le voudraient ne sont donc pas en
mesure de sortir manifester contre les forces de l’OTAN ?
Thierry Meyssan : Là les gens sont paralysés par la peur ; on tire de
partout ; et en plus on bombarde.
Silvia Cattori : Votre position n’est pas facile. Parmi les
journalistes vous devez avoir des ennemis qui veulent votre peau pour
avoir contredit leurs versions des faits !
Thierry Meyssan : Oui. Déjà je suis menacé par des journalistes US qui
ont dit qu’ils vont me tuer. Mais ensuite ils ont présenté leurs
excuses…Je n’ai aucun doute sur leur intention.
Silvia Cattori : L’ont-ils proférée cette menace devant témoin ?
Thierry Meyssan : Oui en présence de (...)
Silvia Cattori
Cet entretien réalisé depuis Tripoli le 21 août 2011, à 23 heures
Il a été retranscrit par les soins de Marie-Ange Patrizio.
Silvia Cattori est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca.
Articles de Silvia Cattori publiés par Mondialisation.ca
Lancinet SANGARE (Laci)
Journaliste
Portable: +223) 76 28 85 55 - 63 08 32 32
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