DECLARATION DU COLLECTIF «NON A LA FALSIFICATION
DE L’HISTOIRE DU MALI»
En cette année du jubilé de la Grande Insurrection Populaire du 26 Mars 1991, au moment où notre pays, le Mali, est plongé dans une crise sans précédent, au moment où notre Peuple pleure encore le sacrifice de ses meilleurs fils dont les tombes toujours fraîches se referment difficilement, voilà qu’un collectif de fantassins d’une cause à jamais perdue, sélectionnés jadis selon eux-mêmes sur la base de leurs compétence, loyauté et patriotisme, publie un livre sacrilège « Le Mali sous Moussa Traoré », à la gloire de leur mentor, le bourreau de notre Peuple.
Les auteurs de l’ouvrage contre la démocratie malienne ont la prétention d’établir la « vérité » sur la période de l’histoire du Mali, de 1968 à 1991, période du règne de Moussa Traoré et de ses compagnons. Mais l’amnésie collective des falsificateurs, qui semblent plus se prévaloir de leur diplôme que de leur intellect, leur a fait oublier que ce même Moussa Traoré, parlant d'eux, disait, en mars 1987, dans une interview accordée à Jeune Afrique : " le parti n'existe pas. Seuls des malhonnêtes m'entourent, tous mes compagnons sont corrompus".
Non ! La provocation et la récupération de ces non repentis du régime UDPM ne passeront pas car l’Histoire et le Peuple ont déjà rendu leur verdict sans appel qui retient de Moussa Traoré :
➢ Un dictateur obscurantiste, sanguinaire et assoiffé de pouvoir, connu pour sa « couronne d’enfer » sur la tête des Maliens , ses propos obscènes concernant les dessous de pagnes des Maliennes servant de linceuls de leurs enfants qu’il jurait de tant massacrer qu’il ne se trouverait pas suffisamment de cretonne et de percale au marché pour les ensevelir ;
➢Son Carré des Martyrs ;
➢ Sa double condamnation à mort par la justice de son pays.
Tenter, dans le contexte actuel, de délégitimer la lutte sacrée du 26 mars 1991, est tout simplement indécent et incongru.
L'exercice auquel se livre l’équipe de M. Djibril Diallo, celui-là même qui avait démissionné de son parti unique constitutionnel en 1991 au motif qu’il avait atteint son seuil d’incompétence, aussi légitime qu’il soit, devrait être empreint d’honnêteté intellectuelle, parce que la vérité historique ne doit pas être une vérité partielle et subjective. Une lecture de leur ouvrage fait croire à certains adultes et jeunes qui n'ont pas vécu cette période d'enfer, que Moussa Traoré fut un bâtisseur, un homme bon et qui n'a fait que du bien. Le livre occulte à dessein les bagnes mouroirs, les purges permanentes entre putschistes eux-mêmes. Certains des rescapés civils comme militaires se sont confiés dans des livres mémoires encore disponibles sur le marché dont ceux de :
• Ibrahima LY : TOILE D’ARAIGNEE ;
• Guédjouma SAMAKE : SUR LE CHEMIN DE L’HONNEUR ;
• Samba SANGARE : DIX ANS DANS LE BAGNE MOUROIR DE TAOUDENIT ;
• Assimi DEMBELE : TRANSFERTS DEFINITIFS;
• Soungalo SAMAKE: MA VIE DE SOLDAT;
• Amadou Seydou TRAORE: DU CMLN A L'UDPM, 23 ANS DE MENSONGES
Quid des violences déshumanisantes qui ont enlevé toute dignité aux prisonniers politiques du régime militaro-fasciste de GMT ? Comment, parlant de Moussa Traoré, les auteurs peuvent-ils ignorer les périodes aussi sombres comme 1968, 1969, 1970, 1971, 1974, 1977, 1979, 1980 et 1991 ?
En attendant la réaction de témoins et d’acteurs des 23 ans de règne de celui qui, depuis le 22 mars 1991 est «le boucher de Bamako », qui répondront aussi par des livres, rappelons que le peuple e malien n’est pas amnésique.
Quelques repères pour rappeler ce long règne sans gloire, ces 23 ans de
mensonges, de vols, de crimes crapuleux :
· 19 Novembre 1968 : irruption sur la scène politique nationale d’un quarteron d’officiers
subalternes félons avec à sa tête un certain lieutenant Moussa Traoré, pour perpétrer un
coup d’État contre notre Armée et notre Peuple : arrestations, séquestrations et déportations
dans le grand Nord des pionniers de l’indépendance nationale, assassinat de nombre
d’entre eux dans des circonstances qui ont choqué toute conscience civilisée. Puisque les auteurs parlent de vérité, qu’ont-ils fait des « Cahiers, Mémoires et Manuscrits » du Président Modibo Keita ?
· 1969 : arrestation et condamnation de Diby Syllas Diarra et de ses 32 compagnons. C'est cet Officier de valeur qui a mis fin à la première rébellion, en 1963 ;
· 1971: arrestation de certains enseignants militants du SNEC et d’autres patriotes à l'issue du congrès de l'UNTM ;
· 1971: des étudiants arrivés de Dakar étaient arrêtés et l'étudiant Cheick Oumar Tangara était assassiné ;
· 1974 : des patriotes étaient arrêtés pour avoir contesté le référendum du 2 juin sur la nouvelle constitution ;
· 1977: assassinat du président Modibo Keita, le père de la nation ;
· 1979: une vague d'arrestations qui s'abat sur les patriotes responsables de la diffusion du tract " l'autopsie d'un congrès " ;
· Le 5 janvier 1980 : dissolution de l’UNEEM par le bureau politique de l’UDPM ;
· Le 8 mars 1980 : vague d'arrestations au sein de l’UNEEM ;
· Le 17 mars 1980 : le comble de l’horreur avec l’assassinat d’Abdoul Karim Camara dit Cabral. Sa vieille mère et ses frères furent martyrisés jusqu'à son arrestation le 16 mars. Et le Peuple malien attend toujours de savoir exactement où se trouve la tombe du leader Cabral, torturé à mort au Camp para ;
· 1979-80 et 1980-81 : deux années perdues pour l’école malienne avec la suspension des élèves et étudiants et la fermeture des établissements secondaires et supérieurs ;
· 26 Mars 1991 : l'insurrection populaire a bouté dehors le bourreau et ses complices : près de 300 morts et 700 blessés.
QUE RETENIR FONDAMENTALEMENT DU REGNE
DE 23 ANS DE DICTATURE?
v Sur le plan politique
La police militaire formée à l’école de la GESTAPO et de la PIDE , sans foi ni loi, arrogante, brutale et assassine, tire sur tout ce qui bouge sur le plan politique , scolaire , scientifique et sportif et social au service du régime de Moussa Traoré.
Suppression systématique de toutes les libertés démocratiques, bâillonnement de tous ceux qui osent penser autrement en dehors du prince du jour. Liquidation de la crème des cadres civils, militaires, estudiantins et syndicalistes.
Bref! Le Mali devient une vaste prison à ciel ouvert.
v Sur le plan économique
Le régime de l’UDPM et de Moussa Traoré bafouait au quotidien les droits les plus élémentaires des Maliens, y compris le droit des fonctionnaires à leur salaire. Ici, qu’il suffise de rappeler les 3 à 6 mois de retard dans le paiement des salaires. Moussa Traoré exerçait un droit de vie et de mort sur ses concitoyens. C’est dans « Le Mali sous Moussa Traoré » que furent liquidées toutes les sociétés et entreprises d’Etat par une technique de soumission au Capital en quatre (4) temps : crise, plan de redressement, privatisation, liquidation. C’est à partir du 19 novembre 1968 que les notions de détournement de deniers publics font partie du quotidien des Maliens.
v Sur le plan des forces armées et de sécurité
Les officiers et soldats de valeur sont exterminés, les tout premiers pour avoir résisté aux putschistes du 19 novembre. L’armée va faire les frais du bouleversement dans la chaîne de commandement, l’affairisme et le népotisme seront désormais monnaie courante dans l’armée, voire la chasse gardée de certains ténors du régime militaire.
v Sur le plan de la justice
Les auteurs du livre ne disent pas un mot, en réalité, la justice était instrumentalisée, servant de caution légale aux emprisonnements arbitraires, aux tortures et aux assassinats.
v Sur le plan de l'éducation
Les auteurs du « Le Mali sous Moussa Traoré » ne disent pas non plus la vérité. Ils ne disent surtout pas qu’ils ont vidé la Réforme de 1962 de sa substance, après le démantèlement de ce qui constituait son soubassement idéologique et la substitution d’expériences hasardeuses, faisant du Mali un laboratoire permanent d’expérimentations de tous genres (BELC, CLARC, Pédagogie convergente, etc). En outre, il faut rappeler que durant tout le règne de Moussa Traoré, l’école et les enseignants sont restés l’ennemi N°1 du dictateur. Celui-ci considérait les enseignants comme des opposants à abattre. Dans ces conditions, le régime de l’UDPM n’eut d’autre politique pour l’école que de détruire, d’humilier et de clochardiser les enseignants.
UN PEUPLE MAGNANIME MAIS QUI N'A PAS
LA MEMOIRE COURTE
C’est donc pour toutes les raisons ci-dessus évoquées et pour le repos paisible de nos martyrs que ce Collectif interpelle tous les acteurs de Mars 1991 à une rétrospection profonde et rappelle à notre vaillant Peuple que Moussa Traoré est un condamné à mort par deux fois par la justice malienne. Mais qu’en dépit de ses forfaitures, il a été gracié par le président Alpha Oumar Konaré du Mouvement Démocratique. Ce dictateur est le premier et le plus grand bénéficiaire de tous les droits qu’il avait refusés au peuple à qui il doit humblement demander PARDON, au lieu de continuer à narguer les vivants et à souiller la mémoire des martyrs.
Ce PARDON serait un grand pas décisif vers la vraie réconciliation nationale.
« Le Mali sous Moussa Traoré », ce livre sacrilège, provocateur, est la manifestation de l’arrogance et de l’agressivité de complices non repentis d’une dictature féroce, mérite une réponse aussi cinglante que robuste comme fut celle du peuple le 26 mars 1991 face aux forces militaires qui voulaient faire perdurer au-delà de 23 ans la dictature du plus grand criminel du Mali du 20ème siècle.
Les victimes, témoins et rescapés du régime CMLN-UDPM publieront leur réponse, individuellement et/ou collectivement, sous la forme de livre(s) écrit(s) sur la base de la vérité scientifique, étayée par des preuves irréfutables.
Tout Malien, où qu’il soit, et tout ami véritable du Mali peut s’associer à cette entreprise de haute portée patriotique, morale, historique, d’utilité sociale et politique incontestable. Il sera accueilli avec joie au sein de l’équipe rédactionnelle.
Ce Collectif répondra coup pour coup à toute falsification de notre histoire commune et est tout aussi sûr de sa victoire finale sur les forces de l’ancien régime dictatorial comme en Mars 91 sur GMT.
Bamako, le 10 avril 2016